1 Qui est l’auteur de ces 39 textes ?
Une aristocrate, au mitan de sa vie, qui en phase avec les idées de son grand-père, fait revivre une époque révolue dans sa propriété familiale. Son histoire a des connexions avec Le guépard de Lampedusa. Une propriété, un grand-père qui chérit un de ses descendants et voit en lui son successeur, un scandale créé par une naissance illégitime…
Un Allemand qui écrit pour tenter de comprendre et de rendre hommage à son père qui fut un défenseur de la Pointe du Hoc, lors du Débarquement de Normandie. Cet écrivain, amoureux de la France, plutôt antimilitariste, revient régulièrement à Omaha Beach. Là, il rend visite aux tombes du cimetière américain, marche, s’assied sur la plage, contemple l’horizon, d’où surgirent les bateaux, revoit les images de ce débarquement, surtout celles du film Le jour le plus long, un film américain dont il n’a jamais retenu le nom des réalisateurs. Dans un petit hôtel de Saint-Laurent sur mer, face à l’océan, il écrit. Il s’interroge : pourquoi fait-il et recommence-t-il toujours ce pèlerinage et surtout pourquoi n’éprouve-t-il pas, lui, de ressentiment envers les Alliés ? Ils ont blessé son père, dans son corps et dans son âme ce jour-là. Son père, qui fut un soldat exemplaire, qui ne fut plus jamais le même et garda jusqu’à la fin de sa vie une haine farouche des Américains. Son père dont la sombre humeur pesa sur la vie de sa famille, et en particulier sur celle de son fils. Un jour, cet Allemand, qui vient écrire à Omaha Beach, lit, dans un texte japonais, quelque chose au sujet des samouraïs qui l’éclaire et lui rend sa sérénité : « L’homme de valeur et d’honneur estime comme ennemis, en temps de guerre, ceux qui sont dignes d’être des amis, en temps de paix. Le succès d’un ennemi estimé est aussi celui du samouraï. » À la Pointe du Hoc, les Américains avaient été les meilleurs, ils méritaient leur victoire, en temps de paix, ils auraient pu être ses amis. Dès lors le texte de l’écrivain allemand coule, s’écrit tout seul. Où est le bien ? Où est le mal ? Et que fait-on de l’espérance ?
Un jardinier poète, qui chante la nature, les arbres, les bonsaïs, les fleurs et les papillons.
L’auteur, c’est peut-être les trois à la fois…
2 Que cherchent ces textes ?
À répondre à une proposition d’écriture.
À parcourir un univers. Sans l’ambition d’être exhaustifs, universels, ils tournent leurs regards vers une époque, une classe sociale, des lieux bien spécifiques pour en offrir une vision.
À créer du lien social. Tout le monde devrait écrire. Cette pratique n’a pas à être réservée à quelques-uns. Bien connaître sa langue, savoir utiliser le mot juste à sa juste place, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, rend possible une communication efficace. Prendre des notes, écrire au cours de ses lectures, fixe les idées des auteurs et par là les siennes, ce qui développe le sens critique. Dans le même ordre d’idées nous pourrions parler des bienfaits de l’écriture sur la mémoire. Mais intéressons-nous plutôt à la créativité. On écrit un mot, puis un deuxième, puis un troisième, c’est déjà une phrase. Cet exercice tout simple peut faire décoller l’imagination. Rappelons-nous Marguerite Duras en train de poser des questions tout simples à des enfants et émerveillons-nous de leurs réponses spontanées. Il est important, voire nécessaire, d’écrire sans filtre. Censurez une de vos idées, vous écartez peut-être la bonne. A contrario, ne vous arrêtez pas à la première idée, sans doute battue et rebattue. Tournez autour, changez de place votre tabouret comme dirait Pierre Michon, creusez-là pour en faire jaillir une autre, essorez-la jusqu’à ce qu’elle ait rendu tout son jus. Appliquez-vous à la perfection de votre texte dans le fond et dans la forme, vos idées s’envolent sans que vous puissiez les rattrapez… Écrivez, écrivez, sans orgueil, avec orgueil, sans humilité, avec humilité. Il sera toujours temps de corriger votre texte, ou de le jeter, si vous estimez qu’il est mauvais, trop personnel, trop provocateur ou blessant. Et partagez vos écrits avec vos proches, vos amis, vos pairs. Tout écriture est expression de soi, donc des autres. Nous sommes tous des humains. Ce qui concerne l’un concerne l’autre, pas tous les autres mais beaucoup d’autres ; ce qui n’est déjà pas si mal.
3 Pour quel livre ?
Un livre qui raconterait une histoire.
Un livre qui, avant de s’intéresser au fond, trouverait sa forme. La forme, un des points essentiels de la littérature., la grande question des auteurs. J’ai quelque chose à dire, ou tout du moins je le pense, je l’espère, mais comment le dire ? Un essai, une nouvelle, un roman, un poème en prose, un poème en vers, un scénario de film, et pourquoi pas un film ? Et une fois choisi le genre, au « je », au « tu », au « vous », au « il », au « elle », au « nous », au « on » ? Au passé, au présent ou au futur ? Avec des flashs back ou des flashs forward ? En une partie ou en plusieurs ? En un bloc ou avec des paragraphes Et les dialogues, en mettre ou n’en mettre pas ? En style direct, indirect ou indirect libre. Les possibilités sont vraiment nombreuses et pourtant de ces choix dépendent la réussite d’un livre.
Un livre qui aurait son écriture singulière.
4 Objet trouvé, que révèle-t-il ?
Des échos du monde : une région, un mode de vie.
Une sensibilité, un goût pour la musique et les arts.
Les différentes parties de l’objet livre incomplet, inachevé, en tout cas non abouti, se trouvaient dans une chemise cartonnée et élastiquée. Je l’achetais. Assis sur un banc de la place où se tenait le vide-greniers, je me mis à lire les feuillets dans l’ordre de leur rangement. Au deuxième, j’avais acquis une certitude : ils étaient tous de la même « plume », si l’on peut s’exprimer ainsi pour des pages dactylographiées. J’entrais dans un univers. Au début du « recueil’, il n’y avait aucune logique dans cet ensemble. Chaque texte formait un tout, mais ne se rattachait pas aux autres. Bientôt je trouvais un début d’histoire, pleine d’impatience, j’attendais la suite, je l’attends encore, sans doute est-elle à imaginer. Vers la fin du dossier, un pays, un milieu social étaient largement décrits. Et dans ce décor, un personnage principal s’installait et nous livrait des fragments de sa vie et de son histoire. C’était tout. Je fermais le classeur. Une femme était l’auteur de ces textes, j’en étais sûr. Une femme plutôt qu’un homme, en raison de sa posture dans l’intime, espace que, à tort ou à raison, on considère féminin : expériences corporelles, subjectivité. Qu’importe, j’avais bien aimé ces pages d’une autrice inconnue et qui le resterait. De temps en temps, elles me viennent à l’esprit ; je me fais tout un cinéma sur leur autrice et je construis des suites à ses embryons d’histoires.
« Censurez une de vos idées, vous écartez peut-être la bonne… »
merci Emilie pour ces mots sur tes mots et ceux des autres. Formidable expérience. Plaisir à t’avoir lue, et à avoir perçu un peu des facettes de cette autrice tridimensionelle!
Merci de m’avoir lue et commentée, Eve. Ainsi l’aventure se termine, jusqu’à la prochaine fois.
tellement d’accord avec toi sur bien des points
déjà cela : « Tout écriture est expression de soi, donc des autres. »
Écrire oui, mais pour rejoindre les autres, et c’est un apprentissage en soi
ensuite l’importance de la forme, sans forme rien ne tient en littérature, ça c’est sûr…
et enfin la femme et sa « posture dans l’intime »…
merci Emilie pour tout cela
(je suis en retard dans mes dernières lectures, viens juste de poster la #40 !)