#anthologie #40 | Eventail d’hypothèses

1.L’auteur qui est-ce ? Qui écrit à travers la narratrice que je suis ? Je prête ma plume à un père, à une mère, à une jeune fiancée, à une femme qui rêve, à une mère de famille à l’esprit joueur ou perdu, à un écrivain soliloqueur, à un psychiatre dépassé… Parfois, je prends la plume et je dis Je, un Je réinventé, issu de mémoires innombrables, de faits réinterprétés, d’expériences par moi seule vécues, mais aussi d’imaginaire et de fantasmagories. La narratrice qui travaille à faire vivre et penser des personnages sans le pesant réel ni les contingences qui les encombreraient, est-elle une actrice, une metteuse en scène, une traductrice ? Est-ce une illusionniste qui s’amuserait à faire parler les morts ? Un médium, une entremetteuse ? Ses tentatives de mise en vie sont-elles toutes vouées à l’échec ou bien certaines parviendront-elles à faire ressentir quelque chose de vrai  à la personne qui la lira ? Et quand elle dit Je, qui est-elle ? Dans le miroir des mots, mon Je est un autre indéfiniment.  

2. Le principe de l’écriture de ces textes est basé sur l’impulsion donnée par les propositions de FB. Je fais l’hypothèse que mes fragments sont toujours une tentative de faire entendre une voix que je tais, que j’ai appris à taire. Les trous, les manques sont pour l’instant un gage de liberté et d’inventivité, propices à la réflexion des mots que je veux laisser derrière moi dans le cadre de ce « livre » auquel je souhaite donner vie.

3- Mais peu à peu dans les écritures guidées de ce cycle, le récit qui s’est creusé et développé est celui qui sous-tend un manuscrit ancien, qu’il m’est donné maintenant de retravailler, en partant d’angles différents et de formes littéraires auxquelles je n’aurais pas pensé. Je suppose que ce qui se cherchait. Dans le discontinu, l’inachevé et le lacunaire, je vais élaborer un tissage pour faire surgir la narration qui m’habite, mon expérience de bras cassé.

4-A rebours… ma fille fictive reçoit un jour par la poste ce manuscrit, c’est elle le Je dans le texte suivant :

Depuis quelques jours je m’efforce de passer devant ma boîte aux lettres d’un air léger et indifférent. Je fais celle qui n’y pense pas, qui ne s’attend à rien. Je ne guette même pas le facteur. J’ai décidé d’aller voir mon courrier une fois par semaine. J’en reçois si peu qu’au bout d’une semaine je peux avoir la chance de trouver quelque chose au fond de la boîte. Ce midi, je l’ouvre. Une lettre A4 volumineuse. Ce sont bien les photos que j’attendais en provenance de mon oncle et un manuscrit dactylographié signé de ma mère, dont j’ignorais l’existence. Il y a trois mois je demandais à cet oncle de regrouper les photos qu’il avait de sa sœur. Comme il n’a pas l’esprit de conservation et qu’il ne tient pas à garder des traces tangibles de son passé, il m’a envoyé les originaux. Je compte cinq photos, et une grosse liasse de feuilles agrafées, avec un petit envoi de trois lignes sur un post-it jaune fluo, me souhaitant de bonnes recherches, une bonne lecture et une excellente santé. Je remonte chez moi avec la lourde enveloppe que j’ai décachetée en bas dans le hall et je dépose tout son contenu sur ma table ronde en bois.

A propos de Virginie Hanet

Devenue professeur documentaliste dans l'enseignement privé sur le tard, mais avant éducatrice, photographe, peintre, libraire, bibliothécaire...Reprise des études en 2020 avec le D.U. d'animation d'ateliers d'écriture à l'université d'Aix Marseille, puis en 2022 une courte formation avec Régine Detambel dont la démarche de bibliothérapie créative m'intéresse. Un manuscrit en passe d'être édité... heureuse de rejoindre le Tiers Livre pour de nouvelles explorations littéraires.

2 commentaires à propos de “#anthologie #40 | Eventail d’hypothèses”

  1. « JE est un autre indéfiniment »
    et « une voix que je tais, que j’ai appris à taire »
    tout ça fait écho profondément en moi… et quel miracle que cette arrivée dans la boîte aux lettres
    bonne exploration et bon chemin, Virginie

  2. Merci beaucoup Françoise pour votre commentaire. Je dois m’atteler maintenant à la réécriture de ce manuscrit, ça me donne un peu le vertige, mais je vais tenter de la nourrir de tout le parcours de ce cycle…

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