Je ne parle pas d’une seule voix d’un souffle unique tout est multiple je m’avance hésitante puis plus sûre me faufile entre les phrases me glisse vers l’autre me perds un peu mais pas tout à fait juste assez pour sentir, me laisser déposséder, de quoi ? par l’inconnu qui peut-être ne l’est pas tant que ça, qui transformera habitera cet imaginaire de ses propres fantasmes. Je cueille des mots ou plutôt ils s’imposent j’y mets des couleurs des sensations j’entends leur musique cachée dans les interstices des lettres. Parfois je me laisse questionner par le monde mes pensées arrivent en vrac heurtent et se perdent je suis troublée. Faire vibrer, une nécessité, oui toucher sans chercher à plaire forcément, tenter de créer un pont, une passerelle quelque chose de fragile d’instable, rien n’est sûr. Je raconte retenue, le lecteur inventera sa propre histoire. Ouvrir des visions des perspectives qui n’existent que parce qu’elles sont partagées. Comment laisser l’autre s’insinuer, devenir le créateur, un vertige qui pourrait lui permettre de pleurer rire aimer au travers de mots qui ne sont pas les siens. Mystère, inconnu, je ne sais pas ce que je laisse qui m’échappe par des portes qui ne mènent nulle part ou ailleurs, là où je ne suis jamais allée; il revient au lecteur de s’emparer de transformer ou de prolonger pour inventer sa propre histoire.
Ces mots ne sont plus les miens.
Des pages, un paquet de feuilles, des sujets divers multiples éparpillés des routes des chemins qui se croisent parfois se suivent un instant en parallèle puis s’éloignent chacun de son coté comme si de rien n’était sans se toucher. Mais ça se touche ça se confond ça se frôle ça surgit en bouts de phrases qui filent et déjà sont ailleurs. Voyager partir vers des mondes imaginaires des fragments de vies réelles ou non ou à moitié peu importe, il reste le tremblement sous les mots, une ébauche qui cherche à émerger. Des vies disparates, des bribes des éclats, des morceaux épars. Ce n’est pas un livre pas une histoire, quelques chose pourtant persiste, un fil qui serpente entre les mots l’intemporalité qui ne se voit pas et qu’on sent nous suivre nous rattraper comme ces mots sans arrêt de ponctuation il faut les écrire les dire vite sans attendre, une urgence avant que l’oubli ne vienne tout balayer ; on ne sait pas vraiment où ça mène alors on continue à tourner les pages.
Trouvé par hasard sur une banquette de métro quelques feuillets agrafés, je les ai ramassés par curiosité ou parce qu’ils étaient là à cet endroit précis de telle manière qu’on ne pouvait pas les rater. J’ai lu la première page puis la deuxième puis la suivante. Des mots des phrases des noms des lieux des dates, des routes des jardins que je ne connaissais pas. Pas de logique apparente, des fragments de choses vues entendues, lues peut-être. Des lignes sur une rue, une photo une scène ce n’est pas un récit, pas un journal de bord, pas un journal intime, un peu de tout, l’odeur du pain chaud, la forme des nuages, des moments consignés avec soin. Des personnages qui n’apparaissent qu’une fois et disparaissent presque aussitôt. Rien n’est expliqué, rien n’est justifié. Je me suis demandé qui avait écrit tout cela. Un homme, une femme ? Voyageur ou passante ? A quoi bon savoir ces feuillets ne sont pas une enquête ; un hommage à ce qu’on ne voit jamais. Je referme les feuillets après les avoir lus les repose sur la banquette. Ils resteront là dans l’indifférence du métro attendant un prochain regard, une prochaine main curieuse.