#anthologie #04 | ce que c’est que de ne pas habiter

Ce que c’est que de ne pas pouvoir habiter certains lieux, des lieux sans odeurs familières, sans fenêtres ou sans portes, des chambres qu’il faut fermer à clé, des lieux bruyants, enfumés, des pièces sans volets, des lieux sans obscurité la nuit ou sans lumière le jour,

Ce que c’est que de pas pouvoir habiter certains lieux, des lieux publics où la musique est trop forte, où les gens crient, où les gens dansent, des lieux d’excitation et de perte de contrôle, ou alors des lieux d’attente, des lieux de transit,

Ce que c’est que de ne pas pouvoir habiter certains lieux, des salles remplies de chaises et de tables, des pièces avec projecteur et néons au plafond, des salles avec la climatisation qui souffle son air glacé, des lieux où les stores restent baissés en plein jour, des salles cloisonnées de vitres sales,

Ce que c’est que de ne pas pouvoir habiter certains lieux où les gens exhibent leur chair molle, des lieux de repos où la paresse est de mise, des lieux conçus pour l’oubli,

Ce que c’est que de ne pas pouvoir habiter certains lieux où la maladie et la mort rôdent, des lieux désinfectés, des lieux trop bien rangés, des pièces aux murs blancs et aux façades escamotables ou bien des lieux faits de pierres grises alignées,

Ce que c’est que de ne pas pouvoir habiter certains lieux je le cherche chaque jour et, en attendant de le trouver, je hante des lieux qui n’existent pas.

A propos de Olivia Scélo

Enseignante. Bordeaux. À la recherche d'une gymnastique régulière d'écriture.

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