#anthologie #04 | architecte

Prendre une feuille double à petits carreaux et dessiner le plan de l’appartement où ma vie d’enfant s’est déroulée. Placer les meubles dont j’ai le souvenir: ce n’est pas difficile car tout reste gravé en mémoire.

Poursuivre la représentation avec tous les logements occupés depuis l’enfance. Curieusement les souvenirs sont moins minutieux, les meubles placés un peu au hasard.

Combien faudrait-il réaliser de plans pour arriver à représenter tous les lieux de vie. À bien réfléchir il n’y en a pas tant que ça. Et c’est le premier qui importe.

En jouant avec l’enfant, on construit des cabanes avec des tissus et des chaises, on fait des constructions de maisons avec les kapla, puis on écroule le tout pour pouvoir recommencer.

Rêver d’autres lieux de vie, plus spacieux, mais surtout plus tarabiscotés, avec des couloirs et des petites pièces un peu cachées, sans rien dedans ou juste un fauteuil ou un coussin, des lieux où se réfugier selon les heures de la journée, et attendre le temps qui passe.

Cette nécessité de l’abri où trouver refuge, où se rassembler et se couper du monde. Se souvenir soudain du petit coin entre commode et mur dans l’appartement de l’enfance où se tenait un petit banc très bas, sans doute un marche-pied, mais que j’avais adopté pour me réfugier lors de tristesses qui survenaient sans prévenir

Pénétrer dans un lieu de résidence pour quelques jours, et immédiatement chercher où il sera possible de se tenir pour lire et pour écrire. Se sentir déçue si un bureau, une table un peu à l’écart ne sont pas prévus. Réorganiser mentalement l’espace.

Se réjouir de voir apparaître des plans d’architectes sur mon écran, commenter intérieurement la disposition des pièces, et toujours chercher à m’imaginer dans telle ou telle pièce que j’aurais élue comme bureau. Jouer à être une éternelle Boucles d’or.

Me souvenir de la première chambre que j’ai eue à quinze ans et dont j’étais si heureuse de pouvoir fermer la porte et de me retrouver ceinte de ces quatre murs qui enserraient une solitude recherchée. J’avais choisi la pièce la plus éloignée, la plus recluse

Et, dans les siècles passés, ces recluses, volontaires, enfermées dans de minuscules maisons, ou des cellules, qui décidaient de n’en plus sortir, n’aurais-je pas eu la tentation de devenir l’une d’entre elles?

A propos de Solange Vissac

Entre campagne et ville, entre deux livres où se perdre, entre des textes qui s'écrivent et des photos qui se capturent... toujours un peu cachée... me dévoilant un peu sur mon blog jardin d'ombres.

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