#anthologie #39 | tentative de mou

Je m’habille de plus en plus mou. C’est la mode du mou. Du volatile, de l’aéré, du confortable. Du à l’aise. Bizarrement le sarouel, pourtant très mou, non, ça ne passe pas. N’a jamais et ne sera sûrement jamais (sinon l’aurait déjà été), à la mode. Par contre, le pantalon coupé large d’Uniqlo, oui. Le denim coupe baggy en jean léger mélangé coton, toujours Uniqlo, oui. L’extra-souple en lin de Promod, oui. Baggy, baggy, baggy. Même Zara s’est mis au baggy, alors que Zara, normalement c’est pantalon tailleur serré, mollet moulé pour escarpins. En Croatie, pendant un temps, la mode c’était le jogging. Est-ce que c’était à cause de la guerre que même dix ans après, tout le monde était en jogging, de Zaghreb à Dubrovnik ? Veste Adidas et chaussures de ville ? Jogging avec bas de la jambe zip ouvert, c’était classe, c’était mou, c’était pratique. Est-ce que c’est depuis le confinement qu’on s’habille définitivement en mou ? Est-ce que ça a joué ? Est-ce que c’est parce qu’on est gros, parce qu’on s’en fout, parce qu’on remet en cause les normes ? Est-ce qu’on est mou dehors parce qu’on est mou dedans ? Uniqlo, Promod, Zara sont partout en Europe, partout dans le monde, le monde entier s’habille mou. L’Inde, voilà. L’Afrique, voilà. On était en retard sur le mou. Le mou nous envahit depuis Louis XIV qui ne pouvait plus manger dur, n’avait plus de palais, mangeait par le nez, tout vient de là. Le beignet. Le foie gras. La crêpe. Le panini. Le pain bagnat. Le moelleux au chocolat. La forêt-noire. La folie du flan, qu’il soit nature, aux fruits, au chocolat, à la pistache, aux spéculos. La chantilly. C’est la fin du sablé. La fin du caramel dur. Nous sommes en mou parce que nous avons mal aux dents. Les implants coûtent chers. Certains vont faire leurs implants dentaires en Pologne. Beaucoup d’hommes font des implants de cheveux en Turquie. Nous sommes en pénurie de médicaments. Pas facile de trouver des antibiotiques. Mais c’est pas grave, nous sommes en mou.

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