Un rituel d’une totale naïveté presque un hasard comme souvent dans ces villes Budapest un hôtel dans le quartier juif à deux pas de la grande synagogue Dohany monument colossal improbable dans sa démesure 3500 places. Un mélange des mondes un plan de basilique chrétienne, la table de lecture au fond non centrée comme une réticence à s’imposer, une nouveauté avec en son jardin l’arbre de vie en métal un saule pleureur. A l’intérieur mémoire sonore on y entend encore glisser les doigts de Litz ou Camille Saint-Saëns sur l’orgue, quelques sons flottants évaporés.
Plus au nord sur le Danuble Prague et sa vieille aujourd’hui nouvelle synagogue gothique en son treizième siècle cette shul (comme disent les yiddishophones) toujours en activité, dont l’austérité rappelle que pour ne pas se cogner la tête il faut courber l’échine effleurer la terre pénétrer dans l’antichambre du sacré puis la grande salle et prier pour que la lumière apaise le tumulte du monde.
Et plus loin beaucoup plus loin à Cochin une synagogue la Paradesi – l’Etrangère – refuge pour les juifs séfarades en fuite, une quête de répit, après les persécutions européennes. Sur un terrain offert par un Raja en voisinage direct avec un temple hindou symbole rare de coexistence juifs noirs, blancs et descendants d’esclaves s’y retrouvent, sa petite salle ne résiste pas aux artifices dorés kéralais, cependant bardée de fils électriques en suspens.
Combien de pas pour Istambul Samarkand Boukhara Tzfat Jérusalem Madrid Cordoue Séville Moscou Saint-Petersburg…
Cracovie n’échappera pas au rituel de l’hôtel dans le quartier juif aux ruelles sinueuses et places romantiques, de ses synagogues aux histoires d’incendies de reconstructions près des remparts. Une restauration minutieuse de la plus vieille synagogue gothique fait partie désormais du musée d’histoire et de culture juive. Nous sommes à quelques dizaines de kilomètres du camp d’Auschwitz et autres camps voisins, où un car, une limousine intérieur cuir peuvent vous conduire, une contradiction entre le luxe moderne et la gravité du lieu que l’on va visiter ; ce trajet pourtant banal en apparence n’est pas un simple déplacement géographique, on y trouvera une réflexion plus large sur la mémoire collective, lieux à la fois concrets et témoins persistants d’événements historiques qui bien que lointains continuent à susciter des questions.