#anthologie #39 | la vie d’avant

Le premier costume pour la communion. On a tourné dans toute la ville de l’Aquila. On avait trouvé un beau costume avec un pantalon trois-quart. On nous en demandait six mille lires. Ma mère n’avait que trois mille lires. Elle a dit : “Je n’ai que trois mille lires”. Lui a répondu : “Non, il n’est qu’une heure pas trois heures. C’est l’heure de fermer. On y est retournés quand ça a réouvert. On en a trouvé un moins cher. L’étoffe n’était pas bonne. Ça n’a pas duré. Pour la communion. J’avais sept-huit ans, ou huit-neuf ans. On allait à pied à l’Aquila. Ma mère était enceinte de Diomira. Diomira est née juste avant la fin de la guerre. A l’Aquila, il y avait une fabrique de monnaie. Un jour, les Allemands l’ont bombardée. On s’est cachés avec ma mère sous une charrette qui faisait les marchés. 

Les sandales, on les avait achetées après la guerre. Après la guerre, on commençait à retrouver des chaussures. C’était des sandales en cuir. Je les attachais autour du cou pour courir plus vite. 

Ma soeur Mena avait une plaie à la jambe. Elle commençait à gangrener. Elle a mis de la poudre de pénicilline. La pénicilline était en poudre. On en a trouvé à la pharmacie. Le lendemain, c’était un jour de fête. Santo Biagio. On priait tous. Santo Biagio, fais moi la grâce de guérir. Le lendemain matin, elle a guéri. 

Mon père aussi s’était infecté la main. Dans ce temps, on avait pas de médicaments. 

Quand j’avais trois ans, on m’a laissé avec la tante Chiarucia, qui était très âgée. On m’avait acheté un petit pantalon court avec des bretelles rouges. Je voulais m’habiller tout seul. J’avais mis les deux pieds dans la même jambe. Je pleurais, je pleurais. J’avais trois ans. Mon père et ma mère étaient partis très tôt dans les collines sur le terrain près de la source. Il y plantait des lentilles, en alternance avec de l’orge, du blé, des fèves. Pour manger. ça ne donnait pas grand chose. Les lentilles, il faut aller tôt pour les ramasser avant qu’ils ne s’ouvrent. 

La tante Chiarucia m’a aidé à m’habiller. 

Je m’étais fabriqué une trottinette avec des planches, avec deux roues derrière et une roue devant. J’avais découpé, on avait même pas de scie, avec une râpe. 

Près de la source, il y avait des peupliers. Tout le long, près de la source, juste après les figues, on y allait pour boire. Elle était canalisée. Quand il y avait plus d’eau, elle débordait du bassin. Un autre paysan avait creusé dans sa terre pour avoir l’eau de la même source. 

Maria est née le deux septembre. On avait fait la sauce tomate qu’on faisait sécher sur des planches. Ma mère a accouché ce jour-là. 

Les Allemands prenaient toutes les vaches pour les manger. A Onna, les habitants se sont rebellés. Ils ont tué un Allemand. Pour un Allemand tué, les Allemands tuaient sept, sept personnes. Ils ont tué les familles de ceux qui se sont rebellés. 

Les Allemands occupaient une vieille ferme sur la route de Pescomaggiore. C’était une ferme dans les bois. Quand ils sont partis, ils ont tout laissé, même les fourneaux. Tout le monde allait chercher ce qu’ils avaient laissé. 

Les peupliers, tous les deux, trois ans, un spécialiste coupait les branches. On allait les ramasser. L’âne a renversé la charrette. Papa est tombé dans le fossé. On chargé les fagots sur les ânes. On en faisait des piquets pour la vigne, pour les tomates. Les fagots, ont en faisait du feu. 

A trois ans, je voulais toujours aller avec mon père dans les champs. Le matin, il partait en cachette. On avait fait la moisson. Il faisait très chaud. On était au mois d’août. Mon père était allé se coucher sur les sacs de blé, au frais, c’était l’après-midi. Il avait laissé sa ceinture dans la maison. J’ai pris la ceinture pour lui apporter dans la colline. Il faisait une chaleur. Sur le chemin, j’ai rencontré un homme qui descendait. Il m’a dit : “Qu’est-ce que tu fais là ?”.  Je lui ai dit que j’allais rejoindre mon père qui était allé couper un arbre sur la colline. Il m’a dit que non, il n’y était pas, qu’il n’y avait personne là-haut. Il m’a raccompagné à la maison. 

J’allais travailler en vélo. Mon premier travail c’était au bar Nurzia à l’Aquila. J’avais quinze ans. Le matin, à six heures, il fallait ouvrir. Je partais en vélo à cinq heures et demie. Jusqu’à quatorze heures. On rentrait à quatorze heures, et le lendemain, j’y allais l’après-midi de quatorze heures à minuit. Je redescendais en vélo. Mes copains le savaient. Un soir, quand je rentrais, l’un d’eux s’est allongésur la route; Quand je l’ai vu, je me suis dit : “Merde !” . Qu’est ce que c’est ? Quelqu’un a été renversé ! Les copains sont sortis des buissons. Qu’est ce que j’avais eu peur. J’ai dû arrêter parce qu’en hiver il n’y avait pas de bus avant six heures du matin, et il y avait la neige, il faisait mauvais, j’ai dû arrêter, je ne pouvais plus.  En mars-avril, j’ai travaillé comme apprenti charpentier pendant cinq ou six mois. Cela n’a pas été enregistré pour ma retraite. Avant 1960, on avait une carte de la sécurité sociale où nos employeurs mettaient des timbres. Je l’avais laissée à la maison. Quand on y est retournés, on ne l’a plus retrouvée. Je l’avais rangée dans une petite malle. Quand je suis partie, mon père l’a vidée pour mettre ses sous dedans. Il a mis un cadenas. Il la rangeait sous le lit. Quand il prenait l’argent, je me rappelle qu’il mettait cette cassette sur le lit pour l’ouvrir et donner de l’argent pour les enfants, pour le goûter et les glaces à la petite épicerie. 

Pendant Mussolini, on a avait des tabliers noirs à l’école avec des petits cols blancs. 

On n’avait pas de charrette. On avait juste un âne et des vaches. Les vaches étaient à la montagne. Un paysan avait une jument et une charrette. Il nous a prêté sa charrette pour rapporter le blé. Quand on est arrivé, le cheval a tourné trop vite, la roue est montée sur un tas de paille, je suis tombé avec le blé. quand le chariot s’est retourné, il s’est couché sur le côté. Mon père a eu peur et a ramené le cheval. Il était un peu nerveux. Chacun avait son tas de blé. 

2 commentaires à propos de “#anthologie #39 | la vie d’avant”

  1. On se laisse emporter dans cet univers de souvenirs forts. La répétition facilite l’identification, on est cet enfant. Très beau texte, merci.