Collectionner les lieux qui s’invitent sans prévenir, et qui repartent plus vite qu’une bulle d’air éclate à la surface de l’eau. Le souvenir ne s’est pas accroché ; à moins de l’avoir noté, je ne sais déjà plus dans quel lieu un instant j’étais. Ce sont des lieux fugaces. Ce sont des lieux réels. Parfois j’y ai vécu, parfois je n’ai fait qu’y passer. Je remarque que ce sont souvent les mêmes qui reviennent, le parking des cars d’une ville touristique, la chambre bleu marine et bois vernis de mes vacances d’enfant, où l’on priait le soir, le ciel de la station de RER entre les bandes en béton au-dessus des quais, ciel barré de caténaires, et les arbres du parc au-dessus, une portion de trottoir en courbe près des remparts d’une autre ville… Ça vous arrive aussi ?
Je m’interroge sur l’importance relative du souvenir et du lieu ; comme objet littéraire, la description de l’endroit, en tant que telle, ou en ce qu’il représente pour moi, jadis et aujourd’hui, ne vaut pas plus que le moment de la réminiscence lui-même, ou que l’activité dans laquelle je suis plongée au moment où un lieu surgit, et qui a peut-être aidé à faire jaillir cette image du temps dans un présent renouvelé.
Il m’importe en revanche peu de savoir pourquoi ces lieux-là, plutôt que d’autres, affleurent à ma conscience. J’aimerais pourtant les retenir. Un jour, je les noterai au fur et à mesure qu’ils apparaîtront : ces bulles de temps formeront collection. Je le ferai avec méthode, assez longtemps pour qu’une carte se dessine. Dans les interstices de cette carte, j’écrirai.
Merci Laure la 39 s’éclaire. (et d’ailleurs tu écris souvent si bien ces lieux temps )
Merci Nathalie, ces deux dernières propositions m’orientent en effet vers l’écriture de lieux.
Dans les interstices de cette carte, j’écrirai. J’aime beaucoup Laure.
Et les lieux encore et toujours, il me semble avoir déjà lu un texte de toi sur les lieux il n’y a pas si longtemps. Merci et belle journée.
Oui j’ai écrit un autre texte dans une proposition précédente, que j’ai réuni avec celui-ci dans la version actuelle du pdf.
Oui ça arrive tout le temps – parfois on trouve une empreinte ou quelque chose qu’on décide d’en être une (et aussi souvent les images automatiques prises par street view à des années de distance – ce coin de rue où passe cette personne ou ce café où on s’arrêtait un jour… (J’adore)
Merci Piero de me confirme que je ne suis pas seule à vivre cette expérience qui m’est si habituelle que j’ai été surprise la première fois qu’un ami m’a dit ne jamais avoir de « lieux » qui lui venaient à la face, si intime aussi qu’il est difficile de la partager vraiment.