#anthologie 39 | collection de fenêtres

 
elle tout en haut à portée de ciel tête renversée dans le petit carré de FENETRE de la chambre mauve sur le bleu du ciel d’été qu’elle devine vibrant de lumière et de désirs sur le gris perlé de bruine et de vent mouillé sur le jamais tout à fait noir de la nuit pâlie d’étoiles de lune de lueurs citadines sur les odeurs les bruits les couleurs de ce dehors qui vibre autour d’elle dedans chambre-vigie dont la FENETRE, petit carré de monde, s’ouvre ou se ferme dans le divers de ses humeurs adolescentes et puis un jour liberté toute neuve en poche s’éloigner aborder absorber dévorer avec avidité le divers des paysages humains bus métro tram train voie A voiture 10 place 25 côté FENETRE dans le sens contraire de la marche projeter le regard vers l’avant en surimpression dans le reflet de la vitre elle eux d’autres passagers un vieil homme une petite famille places à trouver valises à jucher sur son visage immobile dans le reflet de la vitre et de l’autre côté du miroir transparent un autre train sur la voie un autre voyage d’autres visages d’autres corps mobiles et silencieux une autre FENETRE soudain sensation bizarre de mouvement de quitter de s’éloigner et puis non fausse alerte elle immobile toujours les wagons du train voisin défilent et avec lui les visages les corps dans la double transparence de plus en plus vite disparaissent creusent un nouveau paysage le quai vide dans le reflet de la vitre et l’écho d’une voix féminine préenregistrée  prenez garde à la fermeture automatique des portes attention au départ les rails qui s’ébranlent défilent doucement de plus en plus vite traverses ballast les rails se font et se défont balafrent le visage qui éclate dans le plein soleil le ciel blanc superposition des paysages arbres goudronnés maisons ensablées dans un bras de rivière d’une FENETRE à l’autre d’un voyage à l’autre d’un souvenir à l’autre dans le reflet de la vitre elle FENETRE sur zinc et ciel bleu ou gris ou nuit c’est selon elle allongée sur son lit petit bout de rêverie dans son dix mètres carré sous les toits à portée de ciel décidément encore à portée de toits de ville capitale d’autres FENETRES d’autres vies rêvées imaginées fantasmées d’autres carrés de FENETRES bords de mondes d’histoires il est tard maintenant au bord du froid gris de la rue de l’église elle assise tout près de la porte-FENETRE et son voilage lourd gris blanc pelucheux que la main ridée soulève laissant apparaitre le regard qui guette et dans le regard les pensées qui ruminent et les lèvres qui remuent des paroles inaudibles et dans la grande ville elle la fille attend le bus sa mère à côté d’elle lui tient le bras la tient à bout de bras après l’hôpital service gériatrie elle la fille elle la mère dans le cadre inférieur de l’abri bus FENETRE sur la rue pressée affairée la mère donc dont le regard croise celui d’une dame voûtée courbée cheveux blancs robe fleurie pâlie par l’éclat du soleil petite vieille fripée le regard d’une infinie tristesse dans la transparence de l’abri puis sursaute comprend qui dans ce reflet saisit la main de sa fille la serre chuchote comme j’ai vieilli et puis elle encore à nouveau tout en haut à portée de ciel tête renversée dans le petit carré de FENETRE dans sa maison du Tout-Monde face aux visages du ciel
 

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !

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