Les carnets de voyage, je commence à en avoir une sacrée collection. Trente, quarante, je n’ai jamais compté. Des grands, des petits, des épais et des minces, certains achetés, d’autres fabriqués. Aucune unité, si ce n’est que l’ensemble tisse la toile, raconte un petit morceau de mes pérégrinations. Récemment, j’ai voulu écrire le texte de la création de cette collection de carnets. Sans grand succès.
Ce matin, je dispose les carnets en tas sur le sol de mon salon pour les photographier en espérant que l’écriture vienne. Émue de les revoir, les toucher, les frôler, les sentir, les feuilleter. Se replonger dans l’émotion du temps du voyage et de la création ; l’émotion de découper, coller, déchirer, aquareller, acryliquer. Revoir les cartes. Important les cartes. Impossible de voyager sans me situer dans l’espace. Revivre des bribes de voyage, se remémorer les lieux, les moments heureux avec ma compagne de voyage, les personnes rencontrées.
Se souvenir, en attrapant dans la série des onze carnets du voyage de 2014 au Québec, de Soleria qui la première nous a parlé des enfants amérindiens arrachés à leur famille pour les remettre dans le droit chemin et les placer dans des internats catholiques.
Revivre les paysages à couper le souffle de l’Ecosse, la météo changeante qui fait presque co-exister les quatre saisons en une journée, le pass-ferry pour aller d’îles en îles, utilisant les bus locaux pour se sentir l’espace de quelques jours proches des habitants.
Les carnets des semaines de balades à Paris et en Seine-et-Marne en janvier 2012, 2013, 2015, 2017 et 2024.
Le carnet du quotidien réalisé irrégulièrement pendant un an. Celui de l’exposition Mémoires Vives – Une Histoire de l’Art Aborigène du Musée d’Aquitaine. De l’expo du CAPC de Bordeaux de l’artiste autrichien Markus Schinwald et de sa gigantesque structure tubulaire en laiton, ses ciels peints et ses portraits suspendus à des fils métalliques.
Ceux des séjours à Locquirec, de la maison louée sur la falaise, des heures passées devant les paysages, fluctuants au gré du mouvement des marées, de la baie entre le port et la rivière le Douron.
Des escales du livre de Bordeaux de 2015 et 2017, des écrivain.es rencontrés et des paroles notées.
Le journal du confinement, le feuilleter est étrange, relire les articles collectés, les mots inventés pour l’occasion, plus agréable revoir la liste des livres lus pendant cette drôle de période.
Il y a aussi celui créé lors du onzième printemps des poètes, autour du poème Ceux qui vivent sont ceux qui luttent de Victor Hugo ; relire les paroles du poème écrites sur des pages A4 attachées les unes aux autres en un gigantesque labyrinthe et pliées en format A4.
Celui de dix sur dix centimètres. Deux centimètres d’épaisseur avant collage, quatre après. Soixante-quatre pages d’un papier épais. Couverture en carton rigide rouge, dos noir. Un carnet pour dire la Triennale d’art contemporain et les œuvres disséminées sur les soixante-sept kilomètres de littoral de la Côte belge ; Sur la plage ou en ville, sur les digues et les dunes, dans des chapelles ou en pleine campagne. Se souvenir du tram côtier reliant : De Panne. Koksijde-Oostduinkerke. Nieuwpoort. Middelkerke-Westende. Oostende. Bredene. De Haan-Westende. Blankenberge à Zeebrugge. Knokke-Heist. Feuilleter le carnet et être reconnectée à l’ambiance du séjour. Savourer les fragments de voyage revenir en mémoire. Revoir entre les pages la tortue géante de bronze de Jan Fabre. Sur son dos un cavalier regarde au loin, Searching for Utopia. L’araignée de Louise Bourgeois, Maman, au-dessus des tombes du petit cimetière d’Ostende prête à lâcher ses œufs. Normal de trouver cette œuvre ici, Bourgeois est une grande admiratrice du peintre Félicien Rops natif d’Ostende.
Entre deux carnets, apercevoir le carnet miniature, le feuilleter délicatement, le plus petit et fragile de ma collection. Un centimètre d’épaisseur, cinq de long sur un de large pour une trentaine de pages. Celui conçu, comme rarement c’est le cas, pendant le temps du voyage. A Badefols-d’Ans en Dordogne, dans la maison familiale de ma compagne de voyage. Là où l’on prend le temps de se poser. Je relis les quelques notes : 15 au 23 août 2013. Samedi matin au marché d’Hautefort. Découverte du Site classé des gorges de Gimel en Corrèze. Ptt déj de rêve face au panorama de paysages de collines. Au loin le château d’Hautefort. Quelques dessins esquissés au feutre. Des pages peintes en rouge-orangé pour dire la couleur de ce coin du Périgord à quelques kilomètres de la Corrèze et des villages aux maisons bâties de la pierre rouge couleur de la terre.
Ces carnets et tous les autres.
Plus j’avance, plus les sujets traités dans les carnets deviennent abstraits. Le dernier, c’est le carnet de nuages réalisé en mai 24 sous forme de photos, petits textes, dessins ou collages et publié sur mon blog. 31 jours, 31 histoires de nuages.
Des quarante propositions d’écriture de cet atelier d’été, à voir lesquelles pourraient être transformées en carnet pour enrichir ma collection. Celles d’après la table des matières d’Hervé Guibert ? d’après Habiter de Sereine Berlottier ? Assurément, il y aura un jour le carnet du voyage de Léonie en 1915.
superbe collection de carnets ! Celui qui me ravit : le carnet des 31 nuages, c’est beau. Et puis cette évocation de l’aventure partagée dans cet atelier, comme un nouveau carnet de voyage (Où écrire serait comme un voyage). Enfin ce projet du carnet de Léonie en 1915, une promesse à venir. Merci
Merci pour tes lectures fidèles et ton retour Françoise. Si tu veux balayer rapidement le carnet nuage : https://les-calepinotes-d-isa.fr/carnet-nuages-mai-2024/
A te lire sur tes derniers écrits, voire plus, car si j’ai bien compris on continue !