Pour la mer qui se prend, par les larmes, à sécher
Bouteille à la mer
On dirait qu’on jetterait une bouteille à la mer, une bouteille qu’on aurait, avant de la fermer le plus hermétiquement possible, remplie à ras bord de tous les mots de la mer qu’on ferait naviguer, une bouteille qui un jour, dans un mois ou des centaines d’années, irait s’échouer sur une plage, ou flotter dans un port en attente d’être découverte, repêchée, débouchée, vidée. Des mots qui raconteraient des histoires de bateaux de pêche égarés et de navires de guerre empressés d’accoster, des récits de poissons argentés et de migrants engloutis , d’ilots cachots et de paradis entourés d’eau, des aventures sur du sable fin et contre des rochers meurtriers, dans des vaguelettes innocentes et sur des océans déchainés, des amours d’été sous des parasols colorés et des chagrins marins à faire pleurer les mouettes rieuses, des minutes de douceur capturées aux pâles reflets de la lune tombée dans l’eau, des nuits de solitude à écouter le vent entre les voiles encore déployées. Une bouteille à la mer, où il resterait un peu de place pour qu’on s’y blottisse, entre les mots, et qu’on le fasse, ensemble, ce grand voyage, vers le large, vers la nouvelle terre, la nouvelle ère. Venez, il reste de la place.
Pour la folie qui leur prend, par surprise, à apaiser
La folie grandeur nature
Elle est partout, vous la voyez comme moi, ou je suis seule à en avoir plein les yeux ? Parce que si vous la voyez comme je la vois, alors c’est que nous pouvons la regarder ensemble droit dans les mirettes et encore la tenir à distance. Quelle distance ? Vous m’en demandez trop, parfois elle se rapproche à la vitesse de la lumière, à d’autres moments on aurait la vague impression qu’elle s’éloigne vers une autre planète, inconnue, à moins qu’elle dévie sur Mars ou Saturne. Tout ceci se joue à une échelle microscopique, une échelle avec des barreaux cassés. Quand on croit être sorti d’affaire, on doit déjà se remettre à courir, pour ne pas se laisser attraper et tant qu’on avance, c’est bon signe. Même si on ne fait que des petites enjambées, tant qu’on ne recule pas la folie croisée hier ne sera jamais la même que celle qu’on découvrira devant nous demain. CQFD. On pourra rencontrer des mètres ruban révélateurs, des animaux traqués par des fusils jusqu’aux dents chargés, des bébés qui naissent cœur grand ouvert à un monde en détresse, des téléviseurs plus de son plus d’image, des caves d’immeuble qui ouvrent sur…La folie, sa grandeur galopante comme sa course décadente, c’est par ici.
Pour la vie en morceaux qu’on prend, et la fin, jamais loin
Les morceaux du puzzle
On nait, on grandit, avec ou sans abri, un jour on prend ses jambes à son cou, on découvre un bout du monde, un amour, on s’installe, une maison, un coin de terre, une ile, on fait un deux ou pleins d’enfants, ou pas du tout, on a un père, une mère, ou pas, on vieillit ou on meurt trop tôt, on décline les sollicitations pour des petits pas ou des grands sauts, on se pose et on regarde, de loin, la vie des autres qui, eux, continuent d’aller de l’avant, qui font à leur tour des enfants, ou pas, on essaye de mettre un peu tout ces bouts de tout et de rien en ordre, on voit des trous, dans la tête, dans l’histoire, sur le chemin, on trébuche, on se laisse tomber, on se redresse. On fait une vie avec des morceaux éparpillés. On pose tout cela sur la table, et on prend une loupe pour y voir de plus près.
Pour la liberté que tu défends, par les armes, déposées
Ne rien lâcher
On ne va pas mâcher le mot, de peur de l’avaler et de ne plus le retrouver, on va appeler un chat un chat, appeler toutes les bêtes à bon dieu pour lui sauver la tête, à ce mot à mort condamné, on ne va pas y aller par quatre chemins, on prend la ligne droite, on a supprimé les ronds-points piège à gilets jaune piétinés, la langue on ne va pas la tourner et retourner sept ou mille fois dans la bouche, on se la joue franco de port et brut de décoffrage. La LIBERTE on la veut, pas en petits bouts, découpés, pas en miettes pour oiseaux encagés, pas à dose homéopathique, pas comme un jeu de piste sans fin à chercher dans une botte de foin empoisonné, pas entourée de barbelés et de passeports à tamponner. La LIBERTE, n’est pas une idée à débattre, un concept à échafauder avant de la monter à l’échafaud, une théorie fumeuse allumée par des pyromanes écervelés. Parce qu’on aura beau emprisonner des lanceurs d’alerte, des empêcheurs de tourner en rond, des éveilleurs de réalité joyeuse ou tragique, des chansons, des déserteurs, des protecteurs des forêts, des déserts, des mers, des animaux du monde entier, il y aura toujours une relève pour relever le défi, le défi de ne jamais désespérer et de continuer le combat. On met les pieds dans le plat, et main dans la main, on la danse, jusqu’à l’ivresse, cette suprême déesse.
(Nota : ébauche de chapô pour 4 chapitres regroupant les 39 propositions)
Wouaou, belles séries de textes forts. J’aime particulièrement la collection de morceaux de vie. Vraiment bien. Merci Eve.
…. grand merci!!
Quatre collections poétiques, on pourra en lire encore, jusqu’à plus soif. Merci Eve.
Merci beaucoup! alors buvons à la santé de nos clavier sous nos doigts agités!!
Merci Eve pour ces morceaux si différents et en même temps qui se rencontrent sur ce fil que tu étends et que tu pourrais étendre encore plus ultérieurement
.. merci je retiens l’idée du fil à étendre encore plus!
Je me suis laissée porter par la lecture de ces quatre belles séries ! Tellement fortes et profondes. Merci Eve.
Merci !! A te lire dans la 40!