#anthologie #38 | un jour comme ça

toute la nuit debout à le rassurer demander que les armes soient moins visibles tomber sur un flic en or qui ôte les menottes et tape la discute pour faire diversion un flic qui vous ramène au pied de votre immeuble et le matin un peu soulagée encore une fois le pire a été évité il est au calme il dort ça va passer. Toute la journée nettoyer le studio, jeter la nourriture et les poubelles, emmener des sacs entiers de linge à laver, faire une vaisselle de 15 jours, désenfumer désodoriser, décorer même, aménager quelques surprises pour le retour et puis les jambes molles traverser le bois pour le voir parce que vous ne marchez pas assez parce que le bois est un sas réconfortant même si quelque peine à entendre les oiseaux et regarder les arbres, lutter contre la distraction se dire regarde regarde le monde est toujours debout là autour, regarde tu es au bois et repartir aussitôt dans les ruminations, ce qu’on a fait pas fait aurait pu faire et le stress de la nuit les voisins mauvais les haines qui jaillissent avec un naturel effrayant, penser acheter chocolats pour le flic en or, une grande boite, acheter provision de tabac au buraliste le plus proche, ainsi chaque année vous pouvez mesurer comme on augmente ces saloperies pour votre santé Msieu dames, sauf qu’ici tout le monde fume pour se désénerver se désennuyer, le tabac s’offre comme la survie et il offre, il offre… lui rendre visite rapide, premier jour, pas rester trop longtemps sa joie à la vue du tabac comme si vous aviez pu oublier, déjà ses amitiés hospitalières il a toujours un succès fou on vient vous voir pour vous le dire il est formidable et se tient toujours bien droit sa générosité à moucher une vieille dame enchifrenée et son tabac qui circule déjà pour ceux qui n’ont pas de quoi et pas de visite, ne pas trop rester, épuisée et lui à vif, se rendre compte dans le métro du retour la faim soudain, au bord de la syncope  pas mangé depuis la veille s’asseoir dans un café un sandwich saucisson sec comme de bons souvenirs entre deux  morceaux de pain avec une pression dorée la boisson la plus déceptive du monde si belle et si amère, se laisser aller à écouter la table voisine, échanger quelques amabilités, un arbre abandonne ses fleurs sur la terrasse et les tables, vous voilà tous en jeunes mariés  sourire au monde à nouveau avec en arrière fond cette lourdeur qui se cramponne ça va passer ça va passer

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement depuis dix ans, beaucoup plus sérieusement depuis trois ans avec la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

Un commentaire à propos de “#anthologie #38 | un jour comme ça”

  1. Je suis entraînée par ton texte, le rythme et la souffrance, la répétition de la souffrance et de l’impuissance même si tout n’est pas dit, peut-être plus fort parce que tout n’est pas dit, et derrière tout cela de l’amour sans doute, et beaucoup d’empathie. Merci pour cette humanité Catherine.