Je me rappelle très bien de cette journée de 1996, c’était l’été, on avait fait une sieste parce qu’on allait se coucher tard. On regardait les Jeux Olympiques à la télévision. Je n’avais pas compris tout de suite qu’il s’agissait de sport, ces jeux. On avait regardé des courses qui avaient lieu à des milliers de kilomètres d’ici. Il y avait eu d’abord la gazelle, Marie-Jo, les 200 mètres. Elle avait eu la médaille d’or. Et Jean Galfione le lendemain, l’or aussi. Je le trouvais très beau, j’avais vaguement été amoureuse de lui, et très vaguement il m’avait donné envie de faire du saut à la perche mais j’avais le vertige.
C’était l’été, ma peau était dorée et on jouait à s’asperger dans le jardin. Mon père préparait le barbecue, on mangeait des saucisses et des côtelettes avec les doigts et on pouvait se coucher tard. Mais là, on allait veiller vraiment longtemps pour voir les finales des 400 m femme et 800 m femme. Il y avait aussi du saut, de la marche.. Ça m’intéressait moins. Ce soir là, je me rappelle qu’il y avait du monde à la maison. Il y avait mon oncle, ma tante, les voisins, les voisins d’en face, je ne sais plus trop qui d’autre mais nous étions vraiment nombreux, signe d’un moment exceptionnel.
C’était l’été et on a bu de la grenadine devant la télé, on a mangé des glaces et on a attendu longtemps. Et il y a eu ces deux courses-là. Marie-Jo a été magnifique, tout le monde hurlait à la maison et sur l’écran. Je me revois me boucher les oreilles me protégeant de cette liesse trop tapageuse. J’avais failli sortir mais on nous a proposé une autre glace, une manière de fêter le doublé or de l’athlète française. Je n’allais pas dire non et puis l’explosion semblait se calmer. C’était mon parfum favori, fraise. Les adultes ont bu des bières et pour nous, ma tante a débouché une grande bouteille de limonade très fraîche. J’avais trouvé génial la combinaison du pétillant et de la saveur fraise. Vraiment cool. J’ai reproduit ce mélange souvent après.
Ils y allaient tous de leurs commentaires, à décortiquer la course, à étayer les propos des commentateurs sportifs. Quelle sublime allonge, quelle magnifique dernière foulée. Et puis est arrivé le 800. Pourquoi m’a-t-elle tant subjuguée ? Peut-être parce qu’il n’y avait pas ce soutien délirant et tellement chauvin, parce que la course était deux fois plus longue, et dans mon jeune esprit deux fois plus difficile, deux fois plus exigeante et éprouvante. Les finish des deux athlètes féminines ont été aussi spectaculaires, elles se sont arrachées, elles ont été toutes les deux époustouflantes. Mais c’est Svetlana qui a alors pris toute la place.