#anthologie #38 | semaine de rentrée

L’été a tenu ses promesses. On a soufflé après les dernières contraintes, résultats, répartitions des classes, à prévoir pour le mois de septembre. On a eu le temps de digérer l’intrusion des jeunes éméchés pendant le spectacle de juin, dédié aux peintres — et à ton peintre en particulier. C’est reparti. On entame une nouvelle année scolaire, il faut penser à tout : nouveaux élèves adolescents qu’il va falloir mener là où ils ne se sentent pas capables d’aller. Commencer par les accueillir, répondre à toutes les questions, caler les premiers projets. Les premières semaines servent à ça : échelonner, rassurer, mettre en place. Et les autres, tes enfants ? Bien sûr ! Comment les oublier ? Les aînés sont plutôt autonomes. Quant au dernier, il a déjà les codes : le cap de la sixième est franchi, il aborde la cinquième tranquillement, retrouve ses amis, et en particulier celui avec qui il a travaillé ses exposés en primaire. Voilà qui est rassurant. Les deux semaines de rentrée, pour lui : un jeu d’enfants. Remettre ses pas dans les pas d’avant. Pour lui, tu es tranquille, tu peux t’occuper des autres, tes élèves, ailleurs. Une journée chargée pour toi, mais tu ne rentreras pas trop tard. Et ton collégien non plus, d’ailleurs. Il devrait se poser à la maison pour le goûter et toi, pas longtemps après. Vingt minutes en voiture, ce n’est rien. Comme ton collégien est très raisonnable, tu l’as autorisé à regarder les dessins animés à la télévision en t’attendant. L’enfance n’est pas si loin, et il mérite ta confiance. Te voilà dans la voiture, il fait bon, presque l’été indien. Tu penses encore un peu aux vacances et à ce qui t’attend demain. Tu t’es promis de reprendre en douceur. Tu ne penses pas à ouvrir la radio tant il fait bon savourer ce moment d’après reprise avant accélération. Pas d’embouteillage au débouché de la bretelle qui te raccorde à ton territoire ; le temps de te garer, de marcher sans hâte. Rien de spécial. Clé dans la porte. Tu entres dans l’appartement : ton collégien est là, il se lève vite et te tend un morceau de papier. La télévision est allumée mais il n’y a pas de dessin animé, on dirait un film, ce n’est pas l’heure. Tu ne comprends pas. L’enfant dit : lis, j’ai tout écrit pour que tu me croies. De sa belle écriture penchée, avec sérieux, il a noté : un avion est rentré dans une tour aux Etats-Unis. Là-bas c’est le matin. Il y a eu de la fumée, des cris. Et un autre avion aussi. L’enfant ajoute : j’ai voulu changer de chaîne en pensant que je m’étais trompé mais c’était pareil sur toutes les chaînes. Je crois que ça continue. Regarde.

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.