Un jour de juin, un homme est contraint de plaider coupable pour retrouver sa liberté et sort de mille neuf cent jours d’emprisonnement pour avoir, un matin, ou une nuit, quatorze ans plus tôt, décidé de mettre à l’air libre, respirable par tous, des milliards de mots qui avaient été volontairement enfermés, cadenassés, claquemurés, encellulés.
Au même moment ou presque sur la planète terre il se passe, comme chaque jour, depuis la nuit des temps, des évènements d’une apparente insignifiance, ou d’une gravité surestimée, ou encore d’une futilité déconcertante, ou bien encore d’une banalité affligeante, aussi peut -être d’une cruauté insoupçonnée, ou d’une tristesse inconsolable, ou bien d’une joie immodérée, d’une beauté époustouflante, d’une rareté terrifiante, des évènements prévus, programmés, minutés, coordonnés, et d’autres impromptus, inattendus, surprenants, ou encore inévitables, ou vitaux ou au contraire mortellement définitifs, des avancées et des retours en arrière, des croisements, des évitements, des échappées belles et des retenues insipides, des pas de deux, des pas de géants, des sautillements, des accolades, des coup de poings, des étreintes, des feux de joie, des éboulements, des nuages persistants, des fêlures, des fractures, des écrasements, des éclats de rire, des tirs à l’aveugle, des aveugles qui se perdent, des perdus qui se cherchent, des chercheurs qui ne trouvent rien, des riens qui font des petits tous, des petits qui restent minables, des tous ensemble qui progressent, des progrès qui reculent, des points de côté à force de courir si vite pour aller nulle part, des essoufflements, des avc, des cessez le feu qui s’enflamment, des flammes qui s’éteignent à petit feu, des feux arrières qui ne fonctionnent pas, des bruits de tôle, des silences de mort, des sirènes dans la nuit, la nuit des temps, sur la planète terre, au même moment, ou presque.
Contre quelques miettes de fausse liberté/plaider coupable pour notre apparence parfois très signifiante/Plaider coupable pour notre gravité inestimable/Plaider coupable pour des futilités de survie/Plaider coupable pour des banalités rassurantes/Plaider coupable de dénoncer avec des mots crus la cruauté sur innocents juste coupables d’exister/Plaider coupable pour nos tristesses infinies et nos joies incommensurables/Plaider coupable pour ce qui reste de la beauté du monde non encore mutilée/Plaider coupable pour l’audace des propos argumentés et la poésie qui ne dit pas son nom/Plaider coupable de rien programmer/Plaider coupable de courir trop vite et de marcher trop lentement/Plaider coupable de s’échapper de l’absurdité/Plaider coupable de retenir le bonheur/Plaider coupable de danser quand où comment je tu le veux/Plaider coupable de s’étreindre et de se réchauffer le cœur sous les rayons du soleil coupable lui aussi de surchauffer/ Plaider coupable de sourire et de rire comme ça dans la rue pour rien/Plaider coupable de souffler sur les braises encore vives/ Plaider coupable pour des bruits de casserole et des cris de joie partagée/Plaider coupable de ne rien vouloir dire, ne rien vouloir entendre/Plaider coupable de refuser le progrès pour le progrès/ Plaider coupable de garder le silence comme rempart à la violence, la violence des pensées, des paroles, des actes.
Le plaider coupable est une renonciation imposée aux mots dénudés, donc vrais, donc porteurs de liberté.
Les mots, les laisser faire, les laisser parler, les laisser prendre leur toute puissance, les voir s’envoler. Qu’ils soient libres, eux, à défaut, pour nous, de l’être, un jour, totalement. Ne jamais sous-estimer cette « arme qui a la légèreté du vent et la puissance de la foudre. Une plume»*.
*Victor Hugo, Centenaire de Voltaire, 30 mai 1878.
Merci Eve. Fort. Indispensable. Merci.
… merci Ugo… pas vraiment collé à la consigne… juste prise au vol..pour me laisser aller vers ce qui à cet instant oui m’est apparu » indispensable » de… je te remercie vraiment.
époustouflée par le deuxième paragraphe qui tend vers un chapeau de paille paillasson malgré la gravité une certaine légèreté merci Eve
ah ah merci et vive les chapeaux de paille-son !!
très fort – indispensable – merci (comme Ugo) (parfois, la peur pour son sort…)
ah ah merci et vive les chapeaux de paille-son !!
mon internet vacille où je suis… désolée pour ce commentaire qui s’est glissé, et merci pour ton passage, une pensée pour lui est une pensée de plus pour sa liberté même fragile retrouvée,
Magnifique Eve Merci !
Merci!! A te lire pour la dernière!!
Je découvre ton écriture par la fenêtre de ce texte…puisse le temps me permettre de cheminer encore dans ton écriture…Merci Eve !
Merci! oui c’est le temps qui manque pour aller « s’ennivrer » des textes des uns et des autres!!