#anthologie #38 | Depuis Tanger

en lien avec #anthologie #19 | Echos d’images

A l’arrière d’une voiture dans le nord du Maroc, j’observe le soleil se coucher sur ces terres arides dans le rétroviseur, le ciel se voile de bleu, de rouge, d’or au fur et à mesure que nous roulons. C’est sublime. Je suis à Tanger pour faire les photos officielles du festival de Jazz qui va commencer dans trois jours. Dans l’hôtel qui héberge tous les musiciens et le personnel du festival, je me suis rapidement liée d’amitié avec deux journalistes. Ce matin, nous sommes partis en taxi pour Asilah, une ville côtière entièrement blanche, ancienne cité portugaise, prisée par les peintres et les artistes.

J’ai pris quelques de photos de pêcheurs démêlant leurs filets, d’enfants sur les quais, nous avons déambulé dans les rues de la ville, admirant les peintures murales, la beauté de l’architecture, les couleurs des bougainvilliers. A midi, nous avons dégusté des plats de poissons délicieux tout en écoutant ce jeune journaliste de RFI basé à Tanger, nous parlant de sa vie quotidienne, de l’aménagement chaotique des faubourgs de la ville.  Repus, nous nous sommes reposés au bord du rivage sous un coin d’ombre. Notre taxi au retour n’écoute pas la radio mais de la musique traditionnelle, nous discutons tous les trois, tambour battant.

En arrivant à Tanger, nous entendons exploser des séries de pétards et dans les rues, il y a des scènes de liesse. Le taxi nous dépose au pied de l’hôtel, nous sortons de la voiture et nous pénétrons dans la réception où une foule se presse autour du grand écran télé. Les mêmes images repassent, des avions qui percutent les deux tours jumelles du World Trade Center. Le journaliste de RFI nous quitte aussitôt et nous restons là, ébahis comme les autres musiciens, sidérés, alors que certains marocains qui séjournent aussi à l’hôtel sont pris d’un sursaut d’espoir et de joie face au symbole de l’Amérique en feu et à sang. C’est le 11 septembre 2001. Certains musiciens ne pourront pas venir des Etats-Unis mais le roi du Maroc a décidé de maintenir le festival pour envoyer au monde un message de paix par la culture. La fin d’un monde ce jour là.

A propos de Virginie Hanet

Devenue professeur documentaliste dans l'enseignement privé sur le tard, mais avant éducatrice, photographe, peintre, libraire, bibliothécaire...Reprise des études en 2020 avec le D.U. d'animation d'ateliers d'écriture à l'université d'Aix Marseille, puis en 2022 une courte formation avec Régine Detambel dont la démarche de bibliothérapie créative m'intéresse. Un manuscrit en passe d'être édité... heureuse de rejoindre le Tiers Livre pour de nouvelles explorations littéraires.