Je vis la pluie tomber drue violente sur le sol mouillé, pleurer sur le sol bitumé, s’écraser sur le sol boueux, laver à grandes eaux la ville et la forêt, décrasser les empreintes humaines, les salissures, les insectes collés, les papiers oubliés, pluie amie, tremper les toits des maisons, les carreaux des fenêtres, les tuiles glissantes, la sueur des murs, la pluie tant attendue bénie des cieux, envahir les interstices, les trottoirs, les rues, dégouliner à grandes eaux dans les égouts, emporter les voitures, noyer les passants, arracher les arbres, fendre les poteaux, plier les branches des arbres, faire fuir les écureuils, foudroyer les insectes, creuser dans la terre des sillons, enfoncer les feuilles, la pluie devenir eau marais océan, irriguer tout obstacle, créer des courants, glisser sur les bords de la terre, purifier la noirceur, effrayer nos yeux impuissants, laisser le vent s’en mêler et effacer lentement les lumières.
Je vis en Inde un temple rempli de dix milles personnes venues du monde entier assis les uns à côté des autres vêtus de saris colorés shorts et tee shirts jupes tombantes et cheveux noués sous une chaleur torride entourés par des moustiques, fermer et rouvrir les yeux tous ensemble au même moment le silence le monde disparu une quiétude.
Je vis dans un bar parisien, à une heure tardive de la nuit, un homme ayant trop bu, avoir de la morve qui coulait de son nez et qu’il laissait faire, cet homme que tout le monde connaissait et qui noyait son chagrin depuis le début de la soirée et que personne n’a tenté d’arrêter, cet homme, défait saoul et triste, qui à cet instant, dégoûtait les autres et personne pour l’aider, il n’était ni un ami, ni un inconnu, c’était un bon client, un fidèle, un régulier qui savait se tenir, je me vis m’approcher de lui, le nettoyer, appeler un taxi, l’asseoir sur la banquette arrière et la soirée a continué comme si rien ne s’était passé.
Merci , Clarence , pour tout ces « je vis » , mon préféré est le temple en Inde je crois ,entre quiétude et inquietude …
Oui quiétude et inquiétude c’est si bien dit, merci Carole.
…. pluie, chaleur silencieuse, chagrin noyé…. merci pour ces trois actes d’une grande pièce de vie comme un puzzle… merci, c’est beau, à lire la nuit. et pas que…
Merci Eve à te relire bientôt.
Trois images très fortes, merci Clarence pour cette poésie même dans le dur
Merci Nolween, à bientôt.
Merci pour ce texte faisant contraster déferlements, quiétude désespoir et compassion, dont on aimerait bien qu’il se poursuive.