…elle avance avec les mots qui roulent et roulent dans la tête et Denis au bout sous les arbres Denis sur terre Denis à quai et les racines qui poussent à ses pieds et crèvent le béton et elle sourit à l’idée de Denis et des racines sous ses pieds vivantes alors elle avance elle presse le pas et jette son corps en avant et dans la tête les mots qui roulent Denis au bout et à l’idée de Denis et des racines les yeux lumineux tout ronds crépitent comme les morceaux de soleil sur l’eau et les yeux harponnent les yeux cherchent les yeux traquent comme pour mieux happer la mer le ciel bleu couteau le soleil cuit et les visages les visages maintenant plus nombreux sur le front de mer après le désert du Carmel les corps les visages qu’elles cherchent à capturer un sourire un éclat de rire des yeux qui s’ouvrent une tête qui se tourne des jambes qui courent des mâchoires qui mastiquent des mains qui se tendent s’attrapent une bouche des ovales des peaux des joues des dents des corps des visages qui passent et ne la voient pas ou filent tout soudain dans l’élan d’une course dans les éclats d’un rire et les mots qu’elles attrapent au passage et qu’elle fait rouler dans sa tête le souffle court maintenant après cette marche sous le soleil cuit et tout ce soleil cette mer qui crépite font maintenant plisser les yeux qui s’affolent sous la peau des paupières et Denis au bout sous les arbres à l’ombre sur un banc qui ne la voit pas encore et la bouche qui voudrait crier l’appeler et les mots à fleur de lèvres décomposés dans l’air du front de mer crevés en onomatopées et les larmes qui montent aux yeux dans la foule de visages croisés et le corps perlant de sueur sous la robe fleurie et Denis au bout qui n’en finit pas d’être là et qui ne l’entend pas…
Un commentaire à propos de “#anthologie #36 | la femme aux mots empêchés (3) : ralenti”
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terrible et beau. Merci Emilie.