#anthologie #36  | Epstein | portrait 

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Déjà tu savais qu’il fallait un temps de pose pour révéler à l’objectif une cohérence qui prendrait soin du détail, tu savais que l’objectif saisirait le tien, celui de la séduction juste dans ton regard, la douceur qui donne à l’autre cette importance et qui compte offrir à l’œil qui photographie le temps de l’imperceptible vibration, un temps qui s’étire, pas simplement une lumière qui se fige mais plutôt la présence qui se dénude, une épaisseur où s’infiltre quelque chose d’insaisissable une vérité secrète qui n’apparaît qu’au ralenti, un masque doit-il tomber, le sujet fatigue d’être sur ses gardes un fragment de lui-même apparaît, ce n’est pas encore un portrait plutôt une promesse d’intimité, pas un instant à capturer mais une respiration comme une vapeur une ombre douce qui flotte. La détente surprend les muscles, ils cèdent sous la lenteur imposée, une durée prolongée presque contre nature, ce qu’ un mouvement continuel contrarie, fixe, la pause les libère. Ce n’est plus une image c’est une sensation quand quelque chose se dérobe dans le flou de cette temporalité les contours s’estompent. La photographie devient un art de la patience et de l’attente une lenteur en dehors du reste de la vie. L’appareil est une accélération un fragment intemporel il synchronise sujet lumière et gestes du photographe, un équilibre fragile , une trace invisible sous la surface du cliché parfois imperceptible pour le spectateur futur. 

Un simple arrêt sur image un miroir déformant une immersion dans le temps où chaque seconde semble avoir sa propre vie, sa densité, est-ce bien toi ou une autre version de toi… Chaque portrait est un dialogue vulnérable ; au ralenti le sujet et son regard échappent au photographe et racontent leur histoire, la séduction du début s’efface sous le poids de l’attente Le photographe a-t-il été le révélateur, il décompose ce qui trop rapidement ne peut être vu. Dans cette lenteur, il y a une vérité, une vérité que le mouvement ne peut saisir. La photographie serait une lutte contre la fuite du temps en imposant son cadre, son rythme.

Ton visage, ton regard, finissent par dire quelque chose que tu n’avais pas prévu de dire. Ce n’est plus toi qui dictes l’image, c’est elle qui te raconte. C’est peut-être là le secret du portrait photographique, ce n’est pas une simple captation de l’apparence, mais une forme de témoignage. Et ainsi, dans cette lenteur, quelque chose se construit, non pas de l’ordre de la représentation pure, mais de l’expérience. Le ralenti n’est pas seulement technique, il révèle, il incarne, il transcende.

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