#anthologie #36 | Accordéon sans rancune


La langue ourlée aux derniers mots sacrifiés, j’ai la pensée de me redresser. Je me sens quatre cadenas au sol. Quatre pattes c’est réservé à d’autres jeux. Quatre pattes c’est quatre fois plus bas que ce qui se tient debout. Et mon regard. Atterrit à hauteur de poussière foulée. Je respire donc. Mal. Mes poumons d’aise et de repli. Accordéon sans rancune. Ça joue la mélodie du bonheur une note sur deux. Mes paupières battent les contretemps cela me fait rétroviser ce que je croyais acquis. Je parle du sol qui me paraît à bonne distance. Je suis plantée là archéologue forcée sur une terre muette. Le fait que je n’arrive pas à regarder plus haut que la ligne supérieure de mon crâne m’inquiète. La pluie est un rideau de gouttes que je peux compter. J’ai la pensée d’ausculter ce qui se tient sous mes appuis. Et puis non. Une fois je frappe le sol. Deux fois je frappe le sol. Trois fois je frappe le sol. J’articule un cri. Rien ne se passe. La scène s’est déplacée entre mes omoplates. De l’eau. De l’eau ou une masse liquide que je ne peux prononcer m’entoure. Ma bouche se remplit mon nez se remplit mes oreilles se remplissent c’est de l’eau et je suis témoin de corps. Des parcelles de moi ploient. Ce n’est pas en même temps. Je deviens spectatrice de ma chute et comme la saturation n’arrive pas j’ai la pensée que je pourrais renoncer. A chuter. Je chute je ne chute pas. La fatigue cette balançoire. Et voilà le vent ou d’autres rumeurs. Et cela me scarifie millimètre par millimètre. Je me dis que jamais plus je ne serai au-dessus de mes pieds.

4 commentaires à propos de “#anthologie #36 | Accordéon sans rancune”

  1. Renoncer à chuter, comme si on pouvait choisir et ce je chute, je ne chute pas, cette hésitation, ce point de bascule entre les deux, ça me parle. Merci Delphine

    • Oui et c’est dans cette attitude de spectatrice que je me crois aux commandes, en un sens.

      Merci Perle !