#anthologie #35 | Paris – Osaka

Hotel Righa Hotel 5-3-68 Nakanoshima, Kita-Ku Osaka, 27 530-0005 Japan. Une femme traverse le grand hall de l’hôtel et surprise croise un homme qu’elle interpelle

Voix off

Elle l’aurait tout de suite reconnu

Elle aurait tout de suite vu , il n’a pas changé malgré les années

Elle se souviendrait de ses regards, à lui

Par elle tant de fois dédaignés

Ils auraient donc parcouru cinq mille kilomètres

Chacun de leur côté, pour se croiser là

Au milieu de tant de gens pressés, affairés

Elle n’aurait pas hésité une seconde avant de l’aborder

Ils échangent quelques mots, lui fait d’abord l’étonné, puis un grand sourire illumine son visage. Il l’invite à aller prendre un thé dans le grand salon à droite du hall. Ils s’assoient face à face, près d’une grande baie vitrée.

Voix off

Elle se souviendrait, il était séduisant

Elle n’était pas libre, c’est tout, c’est comme ça la vie

Elle l’aurait désiré dès ce choc

Se trouver là tous les deux au Japon

Elle aurait senti qu’il la désirait aussi

Ils n’ont pas vu le temps passer, c’est déjà le soir, ils vont dans un des restaurants de l’hôtel, ils sont assis face à face, ils parlent beaucoup, leur voix est couverte par une musique d’ambiance. Ils finissent la soirée au trentième étage de l’hôtel, vue panoramique sur Osaka, personne dans le bar à part eux, ils dansent sur la piste.

Voix off

Elle aurait ri avec lui sur ce clin d’œil du sort

Elle lui aurait rappelé ses regards à Paris, qui en disaient long

Elle avouerait je vous ai souvent observé dans cette salle de sport

Il aurait reconnu moi aussi mais je vous sentais très distante

Elle aurait soudain senti sa tendresse, sa timidité aussi

Ils se dirigent vers l’ascenseur, montrent leurs clés de chambre, voient qu’ils sont logés au même étage. Il appuie sur le bouton du 9eme étage.

Voix off

Elle aurait éclaté de rire en réalisant la coïncidence

Elle aurait réalisé qu’à une seconde près la rencontre dans le hall…*

Et puis maintenant leurs chambres presque côte à côte

Elle aurait décidé dans l’ascenseur ce qu’il allait maintenant se passer.

Ils arrivent à l’étage de leurs chambres. Elle lui prend la main et l’entraine dans sa chambre à elle. On retrouve la vue sur Osaka. On ne verra rien de ce qu’il se passera après. Lendemain matin, ils sont assis l’un en face de l’autre dans une salle presque vide, l’heure du petit déjeuner est dépassée mais on sert encore du thé. Ils ne parlent pas, ils se regardent tendrement.

Voix off

Elle aurait aimé qu’il reste avec elle

Elle aurait entendu qu’il avait à faire à Tokyo

Elle aurait demandé quand tu reviens, demain

Elle aurait souri, elle aurait été rassurée

Elle le désirait encore

Ils sont devant l’hôtel, il la prend sans ses bras, l’enlace, l’embrasse, monte dans un taxi. Ils se font signe comme s’ils se connaissaient de longue date. Elle rentre dans l’hôtel, se dirige vers les ascenseurs, se retrouve dans sa chambre.

Voix off

Elle n’aurait rien fait de la journée

Elle aurait pensé un instant, j’ai peut-être rêvé

Elle aurait regardé le lit défait, les draps froissés

Elle n’aurait rien attendu juste savouré

Elle aurait pensé à son voyage qui devait être annulé, et puis non

Elle aurait ri de cette ironie du destin

Elle aurait mesuré que tout se joue

à rien, un pas en avant et là devant, une silhouette et tout s’arrête

Elle aurait écouté son cœur battre

Elle aurait soudain senti des palpitations

Un drame se glisserait dans cette histoire, c’est certain

Elle pourrait faire que rien ne commence

Elle aurait décidé de s’aventurer

C’est tellement mieux que renoncer

Elle est assise devant le petit bureau de la chambre, elle arrache une feuille du bloc note de l’hôtel posé à côté d’un stylo. Elle griffonne trois mots «  à ce soir 20 heures au trentième étage » elle quitte la chambre, descend à la réception, demande une enveloppe, place le papier plié dedans, note le numéro de sa chambre à lui, et donne l’enveloppe à la réceptionniste.

Voix off

Elle n’aurait jamais regretté

Même ce qu’il s’est passé après

Quelques années comme un ciel d’été

Et puis le drame

Elle ne retournerait jamais à Osaka

Elle ne prendrait plus l’avion pour aller si loin

Le bateau peut-être.

A propos de Eve F.

Rédige des assignations et des conclusions, défend le veuf et l'orpheline, écrit sur le Droit et son envers, la Justice et ses travers, le bien-être et son contraire, les hommes et pas que, le bruit du monde et ses silences, aussi.

19 commentaires à propos de “#anthologie #35 | Paris – Osaka”

      • ah je me suis trompée mais mon mot ci-dessus te va aussi droit au coeur. merci à toi Emilie je n’ai pas trop le temps de naviguer sur les textes des uns et des autres… je vais le prendre!

  1. Tout à fait le texte que j’adore et dans lequel je m’identifie totalement. Cela m’a fait penser à ce film « Lost in Translation » réalisé par Sofia Coppola en 2003. L’ambiance. Merci pour cette finesse et cette sensualité. Bonsoir Eve.

  2. Comme d habitude , un vrai plaisir à découvrir ton écriture à chaque fois !
    Là tu nous fait voyager , tout en délicatesse. Tout est ds les regards, les brefs mots échangés, le suggéré… et le suspens . Tu glisses le mot « drame » et ça décolle, on relie, on a raté quelque chose ? . On attend la suite … merci et bravo !

  3. « Un drame se glisserait dans cette histoire, c’est certain » comme si elle n’avait pas droit au bonheur… et puis le drame mais cette fin espérante … elle y retournerait en bateau peut-être. Beaucoup aimé ce texte, Merci Eve !

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