Entrée dans la chambre au ralenti. Deux paires de jambes s’entrechoquent sur le chambranle. Ailleurs on entend un bruit de tondeuse. Un horizon rétréci à une seule pièce.
Elle s’assied et surveille la surface de ma bouche. Elle ne dit rien d’abord. Elle attend. S’il faut attendre le premier mot de l’autre.
Elle ferme les yeux et respire profondément.
Comme si l’air manquait.
Elle pense que je parle trop ou pas assez.
Elle tord ses doigts, elle les essore. Rien n’en coule, même pas un mot.
Elle dit j’y vais et se lève. Elle a cours dans une heure mais elle doit se préparer. Elle reviendra après, promis.
Sortie de la chambre trop rapide, sensation brusque d’exiguité. La solitude comme un long couloir entre deux pièces. Une seule personne restée seule dans l’attente de l’autre. C’est ainsi.
A son retour, les jambes s’entrechoquent à nouveau, les joues frôlées, un regard qui s’excuse. Puis, sortie à deux. Direction le parc. Il n’y a personne sur le tourniquet, personne non plus sur la balançoire.
Elle se balance sans voir les autres. Tous ceux qui sont à la lisière de sa vie, qui jamais n’interpénètrent. Elle se balance plus fort, les yeux droit devant. Elle boit l’obstacle.
Elle ne parle pas. Taiseuse plus que jamais.
Un pie se pose tout près. Les yeux suivent.
Elle fredonne une mélodie. Peut-être un ballet qu’elle chorégraphie. Elle esquisse un geste. Une grâce. Puis se lève et marche.
Un bosquet, des graviers, le chemin trace une croix à travers le parc. La lumière tombe sur les feuillages. Les arbustes qui encadrent s’ouvrent comme une fenêtre.
Elle plisse les yeux. Mince fente en action. Pour déceler quoi ? Quelque chose dans le vide.
Elle dit, regarde, un oiseau mort. Un oisillon. Il a une aile détachée.
Elle s’approche, s’accroupit, s’apprête à recueillir le cadavre.
A quoi bon, il est mort. Elle constate que les fourmis sont déjà là. Elles sont à l’œuvre.
Elle se dit que demain il n’y aura plus rien.
Elle se relève et d’une main chasse on ne sait quoi. Peut-être une émotion trop vive qu’elle ne veut pas voir jaillir.
Un sentiment d’abandon la saisit.
Dans le parc, l’ombre s’est étendue d’un coup. Il n’y a plus personne. Juste nous deux et un oiseau mort.
(tentative de suite de la #9)
La solitude comme un long couloir entre deux pièces
c’est très beau. merci
Merci Françoise
l’image des doigts est très forte, avec juxtaposition de mots qui s’entrechoquent. Et le reste… dans la même veine…Merci!
Les mains parlent quand on sait les regarder. Merci Eve.