#anthologie #35 | Infinitif relatif (avec voix off)

On entend son nom et on se lève, laissant derrière soi visages assis sur leur histoire. On peut en inventer une pour chaque paire d’yeux qui déambulent entre le vide et le rien. Couloir où se fondent les pas, un pas de plus pour décider la vie, le gardien hoche gravement la tête en signe d’acquiescence.

Ouvrir la porte, dire bonjour à des gens que je ne connais pas, fermer la porte, m’asseoir devant des gens que je ne connais pas, écouter les gens qui ne me connaissent pas parler de moi comme s’ils me connaissaient déjà, répondre aux questions des gens qui ne me connaissent pas, écouter sans pouvoir rien changer à l’opinion que ces gens-là ont sur moi qu’ils ne connaissent pas, me surprendre du nombre de conseils que ces gens-là peuvent prodiguer à des gens qu’ils ne connaissent pas, accepter sans broncher, devoir s’estimer heureuse de la bonté humaine, signer quelque chose qui ne me concerne pas, dire au revoir à des gens que je ne connais pas, fermer la porte. Ne jamais oublier la tristesse de ces gens-là. Oublier.  

Retourner sur ses pas, dans un étourdissement de paroles qui disparaissent et pourtant laissent trace ineffaçable. Le couloir émerge d’un film en noir et blanc, la sortie se trouve entre la machine à café et une poubelle pour les gobelets vides. On entend le gardien des choses immobiles souhaiter bonne chance. On ne se retourne pas de peur qu’il ne retrouve nos larmes.   

A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

Laisser un commentaire