Dans la cuisine, elle astiquait un cuivre qui n’en n’avait nul besoin. La pâte des oreillettes reposait. Elle savait combien Etienne était friand de ces beignets légers, du zéphir, c’est moi qui raconte que quelqu’un a dit que mes oreillettes étaient du zéphir, le vent ou le tissu, je ne sais pas. Ça m’a plu, voilà tout. Elle tendait l’oreille vers l’entrée.
Bonjour Grand-Père
Ça elle l’avait entendu. Pas la réponse de Monsieur. Voyez-vous sa voix s’éteignait avec l’âge. Il y avait la musique des mots mais pas les paroles.
Mem em em em…ri
Oui, mon enfant chéri, mon enfant chéri… Il disait qu’Etienne était son enfant chéri, son préféré qu’il avait toujours eu de la tendresse pour ce garçon, le fils de feu son fils Pierre. Il était si merveilleux à vingt-cinq ans, si en symbiose avec leur terre.
Coupez
Ça ne plairait pas à Madame, cet accueil affectueux, elle qui disait qu’elle ne voulait pas revoir Etienne de son vivant. Elle l’avait tellement dit et répété qu’il était la honte de la famille. Ce plat à tourtière brille suffisamment. Je veux que monsieur Etienne trouve la cuisine en ordre et brillante, un sou neuf. Et elle se rapprocha de la porte
… voyage
oui
loin l’Amérique
C’était bien trop loin. Son enfant lui avait manqué. Il avait manqué à la propriété.
Ta chambre n’a pas bougé. J’ai interdit à ta Grand-Mère d’y toucher quoi que ce soit.
Elle vous a écouté.
Pour une fois, oui
Coupez
Elle avait entendu oui. Oui, quoi ? Elle tisonnait le feu, il faudrait de la braise pour les grillades du diner. Faut dire que c’était terrible ce qui était arrivé. Imaginez ça deux cousins germains qui font un gosse, dans la maison de leurs grands-parents. Scandale. Pour moi ça se passait plutôt dans le coteau leurs petites affaires, derrière le vieux moulin à vent. Depuis leur enfance, ils s’y aventuraient, ils s’y perdaient, ils y faisaient leurs cabanes. C’était leur royaume. Ensemble toutes les vacances. Ils avaient grandi ; ça devait arriver.
Coupez
… saluer Ida
D’abord Grand-Mère
Il vaudrait mieux attendre que ma femme descende pour le diner. Parmi les convives, elle n’osera pas faire de nouveaux reproches à Etienne.
Du savoir-vivre, du savoir-vivre, un peu de savoir-vivre, que diable !
Aïe, aïe, aïe, ça serait sanglant. Elle avait entendu Monsieur et Madame se disputer à propos du retour d’Etienne. Monsieur voulait revoir son petit-fils avant sa mort. Madame disait qu’il pouvait bien aller au diable. Monsieur rétorquait qu’Etienne serait le seul de ses petits-enfants capable de reprendre la propriété. Madame disait qu’il allait crucifier sa fille, la mère de Rosalie.
On est toujours crucifié par ses enfants.
Un peu plus un peu moins.
Elle défroissa son tablier pour finalement l’enlever pour en mettre un propre. En l’honneur d’Etienne et pour bien dire à Madame qu’il était le bienvenu à « La Maison », que, elle, elle l’avait compris. Rosalie à seize ans était si
Coupez.
Monsieur avait ouvert la porte sur elle, rougissante, confuse, les mains de chaque côté de sa tête pour arranger sa coiffure.
Monsieur Etienne quel bonheur !
Ida, va chercher à la cave une bouteille de Saint Emilion grand cru 1989
Il n’y en a plus Monsieur
Ta, ta ta, il y en a, je sais que tu en as caché deux bouteilles pour le jour du retour d’Etienne. Je sais même où.
Coupez
…. j’ai comme le sentiment d’une grande liberté d’écriture et du souffle d’une déconstruction bien … organisée! merci j’aime!
Merci, j’ai beaucoup « ramé » et ne suis pas satisfaite de mon travail. Pourtant tu y as trouvé quelque chose à aimer. Merci de m’encourager. Ces dernières propositions me semblent bien difficiles.
Bonjour Emilie, on voit très bien la scène se dérouler, les images, les sons…
Oh merci, Thérèse, de m’avoir lue et de m’avoir écrit cet aimable commentaire !
C est très réussi. On entend la voix de tous les personnages , ( surtout Ida) leur sentiment, l enjeu du texte . On pense à un début de roman .! Alors bientôt la suite … Ha ce moulin….il en cache des histoires … Merci Émilie !
Oh merci Carole ! Ah ! ce moulin, il en a vu…