#anthologie #34 il neige

Les deux sont appuyés à la rambarde du balcon les épaules ne se touchent pas ni les mains
ça lui revient c’est ça qu’elle voulait lui dire que le chat dort dehors toute la journée dans sa chaise longue mais elle se retient anticipant son expression agacée elle devine ce qu’il aimerait lui dire qu’il suffit de le dégager de là mais le chat il sait bien à qui il a à faire, c’est pas bête les bêtes
elle dit qu’il n’y a pas beaucoup de neige
il n’a pas envie de parler du temps, n’en peut plus du temps, de la description minutieuse des nuages, leur forme, leur couleur, il sait qu’elle va rentrer pour regarder le baromètre et revenir lui annoncer la température
elle voit bien la petite crispation sur son visage, elle le connaît par cœur, il va lui demander si elle a bien mis ses appareils, elle a pas besoin de ses appareils, elle est toute seule elle monte le son de la télé autant qu’elle veut
la neige elle fond bien, on sent plus l’épaisseur qu’il y avait, on voit les montagnes couleur montagnes
il n’ose pas lui demander si elle a mis ses appareils mais elle lui fait tout répéter, c’est pour son bien
on a pas eu beaucoup de neige, une journée puis plus rien le lendemain elle se demande si elle lui a déjà posé la question du repas ça l’inquiète de ne pas savoir ce qu’on mange elle hésite inquiète de sa réaction et se décide
on mange quoi ce midi
il le savait c’est soit la météo soit les repas il est bien conscient qu’il lui faut rester calme qu’elle n’y peut rien
ça fait au moins trois fois que je te dis chez qui on mange fais un effort
son regard se voile un peu un fond de détresse oui bien sûr qu’elle cherche mais pas moyen de retrouver, elle se sent fatiguée, elle s’assoit sur la chaise longue sans penser au chat.

A propos de Isabelle Charreau

j’arpente plus facilement les chemins de terre que les pavés de la ville, je fréquente l’atelier pour le plaisir comme des gammes, sans projet de partition

Un commentaire à propos de “#anthologie #34 il neige”

  1. ….comme c’est écrit avec délicatesse…. merci pour ce texte qui dit tout sur ce temps de l’oubli, des mots, de soi, des autres…
    beau, beau.