« remontant juin seule ; bleu noir du ciel tendu à blanc, une péniche passe, guirlandes By-Night ; visages, bras qui se lèvent pour saluer, rires de pont à rive arrachés à l’ombre; eaux fortes chavirées de lueurs et voix qui se touchent » #06
Maintenant, on peut se baigner deux fois dans le même fleuve
C’est nouveau ça
Ça va pas durer
Moi de toute façon je n’aime pas me baigner, habillée ou pas
Combien de noyés à ton avis, je veux dire combien de noyés volontaires
Je connais au moins deux poètes et une inconnue
Est-ce qu’on les a toujours repêchés pour faire des masques
D’autres on les a poussé comme ça pour rire, pour voir s’ils allaient flotter et comme ils ne flottaient pas on a recommencé avec d’autres
Hier il m’a dit tu viens on va se faire un pont, c’était pas le jour il pleuvait averse et avec tous ces gens qui regardaient tomber la pluie on ne pouvait pas circuler. Comme c’était son anniversaire je voulais lui faire plaisir; on a été obligés de faire marche arrière, je lui ai proposé d’aller au cinéma, rue des Écoles, il repassait l’Atalante
Ce que j’aime c’est quand la mariée nage sous le fleuve, elle tend le bras vers l’homme, sa chevelure se confond avec les algues.
Pas la chevelure, son voile ; les cheveux c’est dans un autre film et la femme ne nage pas : c’est une morte en chemise au fond d’une rivière lestée avec une pierre, elle venait de se marier
Dans l’Atalante c’est beau la péniche et le chemin de halage.
On aurait dû prendre un train gare de l’Est, descendre à Nogent et marcher au long du chemin de halage
Halage, Halal… le dernier qu’ils ont poussé ils disent qu’il mangeait Halal; il ne savait pas nager, c’est pour ça qu’ils l’ont poussé.
Ou s’assoir sur le banc sous le saule, sur la droite on voit les fumées atomiques
Avec la pluie on était quand même mieux au cinéma
Hier il y avait des gens partout avec de l’eau dessous et de l’eau dessus ; on ne voyait pas leurs visages à cause de la pluie et de toutes les lumières, On incrimine l’obscurité, la lumière aussi elle peut empêcher de voir
Moi si j’étais cinéaste je filmerais la foule en visages
Certaines, c’est la voix, je veux dire, certaines c’est la voix qu’elles filment
Tu as vu le Navire Night, il y a des images de Paris à la tombée de la nuit, on voit bien le fleuve ; la ville s’éteint lentement et une voix s’élève. Elle nous raconte une histoire: un homme qui par désœuvrement compose des numéros de téléphone non attribués pour parvenir à toucher au bout de ce fil ténu une voix de femme.
J’aime bien les histoire et toucher une voix ça me plait
Même par désœuvrement
Oui
Tuer par désœuvrement on peut aussi
Il y en avait tellement des voix bruyantes hier et des bateaux, et des lumières qui s’embrasaient
C’était quand même une belle fête, même si on a pas regardé
Même s’il pleuvait
Mariage pluvieux: Mariage heureux, dit le dicton
C’est pas pluvieux, qu’on dit, c’est plus vieux, et qu’avec l’âge …
Ah l’âge
Tu viens, on nage
» toucher une voix ça me plait »
merci Nathalie pour ce fleuve dans le fleuve des mots qui rendent mémoire. Votre voix touche. Merci.
Merci Ugo ( le fleuve à fait causer )
Merci pour ce fleuve loin ou pas d’une Seine parisienne qui ne s’est pas laissée facilement devenir propre sur elle.. merci beaucoup pour ce balancement entre reverie et naufrage…
Très beau cette dérive, ne pas oublier ce que le fleuve porte de tragique, flotter, se noyer mais aussi l’Atalante et le chemin de halage paisible. Merci Nathalie
pas regardé non plus (mais Céline Dion quand même – et en bleu tout nu dit-on Katerine Philippe) (une chanteuse, des danseur.es) c’est à l’océan que va le fleuve (comme au cinéma) (merci à la pluie – et à toi)
Eve, Isabelle, Piero merci beaucoup de vos lectures