Elle regarde le jardin debout devant la baie vitrée, ses mains serrées contre ses côtes.
J’ai fait à manger, ils ont tout avalé, pas un mot, pas un remerciement, comme d’hab’
Repas de famille, tu parles…
Qu’est-ce qu’elle nous ennuie avec sa dépression. Faudrait qu’elle consulte !
Entre deux bouchées — qu’est-ce qu’elle fait comme bruit en mâchant — Mélanie s’est encore plainte de son boulot. Tu devrais en changer qu’on lui a dit, mais non, elle a trop peur, elle ne changera pas. Je n’arriverai pas à lui dire qu’elle n’est qu’une trouillarde.
Ils pensent qu’elle est comme sa mère. Pour une fois qu’ils sont tous d’accord.
Ras le bol d’eux tous, je suis leur bonne, à part ça, rien !
Mélanie voudrait que toute la famille retourne au petit cabanon en bord de mer du côté de Biarritz… On a passé l’âge !
On serait bien, les enfants seraient encore petits, toi gentil, même attentionné et moi, j’aurais mis ma robe à fleurs (celle que tu aimais tant) et j’aurais préparé le pic-nique comme je l’ai toujours fait.
Réunir le troupeau le temps des vacances, quelle idée ! Comme si j’avais envie de voir leur tronche matin midi et soir pendant une semaine que je lui ai dit. La pauvre a reniflé en essuyant une larme.
Dans la salle à manger, toujours dos à eux, elle voudrait être seule, elle voudrait qu’ils n’existent plus.
Tout a foutu le camp, plus d’amour, plus de considération. Elle nous fait chier avec ses états d’âme, sa dépression, tu parles, elle ne fait rien de la journée à part se regarder le nombril.
Ah oui ! Elle fait la bouffe… et les courses, mais à part ça, elle reste le cul dans son fauteuil.
Plus envie de lui parler depuis bien longtemps. On n’a plus rien à se dire.
Je ne peux plus les voir, ils sont là comme des chacals attendant leur pitance.
Notre mère, comme chieuse on fait pas mieux et cette pauvre Mélanie qui serrent ses mains tellement fort qu’on voit ses os sous la peau de ses phalanges.
Il faudrait, il faudrait… mais quoi ?
Quelques mots gentils entre le fromage et le dessert, un tout petit peu de considération, pas grand chose, savoir qu’on existe un peu pour les autres.
Elle leur fait face mais ils sont partis, elle reste seule face au miroir et parle.
Pleure, vas-y, c’est tout ce que t’es capable de faire ! Encaisse ta solitude, fais-en une boule et avale-la, coince-la dans ta gorge et étouffe-toi !
En écho à #16 incompréhension