#anthologie #33 | Rien le paysage intact et du délire

La lumière est une ligne qui traverse les maisons, un oiseau dans un corps de femme. L’humidité partout, sans référence, les ailes pliées, ici, parmi les formes dépecées, avalées la paroi des murs, une somme, nous avançons, de nuit en nuit un texte qui bruisse, nos souffles au fond ont basculé. Les cimes calcinées de la matière, le paysage un rythme, a tant de souffle. Sable, jeu perdu, l’écran de l’eau le verre brisé de l’autre qui nous tancent.

Au sol debout le pied de l’arbre un val rien le paysage intact et du délire. Les corps matières, la main, la nuit, laisse des empreintes. Qui osera lui dire ce qui d’un mythe tremble et se dévide. Temps dépourvu de parois, derrière vitre et poussière du papier jauni en dépit de la lumière. Ailleurs le duvet de l’homme peaux d’oiseaux au ciel du gris des yeux.

Je ne suis pas la femme que tu cherches personne ne parlera de ce qui ne s’oublie, le chêne saturé d’eau. Jusqu’aux bords rauques de la dernière nuit elle avancera les choses les bêtes noyées dans la rivière. De l’aveuglement au temps de l’enfance mais qui en ton absence parle de temps perdu et de fillette négligée ? Les mots les flots une croûte sculptée qui se fixe à la bouche.

Au silence les flots s’opposent, ta mère est condamnée. Même dans l’oubli ne rien céder. Mère-dents. Corps-ruines. Noir relent doublure de bouche miroir rejette le contenu de contamination. La forêt d’une nuit traversée de rôdeurs, sommeil sur le seuil tout le long du seuil la forme d’un corps loin entre vos formes et mon émoi. De la maison à l’abri une même dormeuse toi la mère attelée. Elle allonge sa forme.

Quand les dents quittent la bouche quittent le corps et la mère qui les porte quand l’eau s’assigne à tout le corps fils homme père jugé figures marquées d’autres passages quand frère chute sur le puits la ronde des enfants ronds comme des balles ovales les ombres des arbres à jamais dans le quereu. Les couloirs de la maison son seul outrage. Elle, mue bandée infertile.

Femme de plâtre épaules et cou sous robe aux plis rampants. Les remparts les deux tours souvenirs de vieille femme attachée pierre au cou. Souvenirs en accordéon, dans la tête les petites voix rapiécées, ensevelies entre les pattes noires, les jambes pour tristesse ne sentent plus l’innocence, loin robe fleurie loin odeurs de bières et de cigarettes avec plage à la Grand’Rive, ensevelies entre les pattes noires de l’eau les atroces adieux et les rires amoureux.

Cendre de cigarettes petit corps seul dire pardon à l’enfant entre les mains tenu. Voulant aimer encore a réparé les pièces la maison de son corps démonté. Corps tubes et la nuit les plantes, soupirs de nos pupilles dilatées, rien voir de l’humidité sans voir l’humidité, la perte des eaux et la montée des eaux (corps à corps nous serons liés), si l’eau est rentrée une marque un niveau sur le dehors une affiche municipale aurait dû nous alerter.

La fièvre dans les sables l’horizon gondole à l’aube le corps gonfle un rêve de crête un cortège exceptionnel. Prise à la gorge dans un engrenage liquide Elle s’avancera au miroir la fenêtre l’attente plombée un intérieur de voix c’est la voix de tête de Jean. Elle l’entend elle attend son retour : sans les dents la bouche mastiquent une prière d’eau et les gouttes se retirent de la maison.

Petit corps de petite mère toute bleue dans la maison d’eau seule abandonnée. Silence de l’écume de flocons noirs coagulés. Son tronc s’expose déborde laisse place au cri. À qui de droit constatera l’horreur du simulacre dans le cristal de l’ombre. Il ira à la nage face au ciel recouvert d’eau découvrir la dépouille de sa mère. L’onde sera molle après sa venue et la paresse des sables une lumière diffuse.

Petit corps de petite mère toute bleue dans la maison d’eau seule abandonnée. Corps inerte à la pliure de l’eau, Hélène, Hermine du silence, bête héraldique sommeille dans le sommeil, dans la maison d’eau cruellement hiberne. La mère sous ses dehors blindée s’est enfuie, elle est morte.

La lumière est une ligne qui traverse les maisons. Elle se répercute sur les murs de la maison d’eau.

Même l’obscurité, dans sa forme la plus opaque, la plus drue, vaudrait mieux que cette atroce lumière. Même un désespoir sans fond, verdâtre et nauséeux. Ou la truffe d’un animal mort.

Dès que je ne respire plus, tout n’est que silence et harmonie, plus rien ne grince plus rien ne s’effondre, nulle trace de cataclysme nul instinct de mort ne rôdent autour de moi. Mon errance se traduit par une succession d’images aux contrastes sans nuance. Tout devient de noir et de blanc, comme la neige ou le sable. Sous cette lumière, ma vie se résume en une infinité de fissures, de taches et de trous. C’est comme si une faille s’était ouverte jusqu’à laisser s’infiltrer une incandescence odieuse, comme si on ne sait quelle gangue ou paupière avait soudain éclaté et abandonné toute chose à sa carbonisation, à sa dissolution. L’indifférence s’est craquelée jusqu’à s’écrouler, jusqu’à n’être plus qu’un monceau de ruines autour d’une béance. Soudain je lutte contre de minuscules ronds de cuivre. Ils se déplacent. Ils se jouent de moi. On dirait qu’un jet de vapeur métallique flotte dans l’air, qu’il imprègne les lieux d’une odeur épicée, un peu âcre par instants. Tout porte à croire qu’un mélange répugnant d’urine et de laiton a inondé la pièce.

Et l’esprit qui aime les petits objets s’en trouve décontenancé.

A propos de Camille Bréchaire

Camille Bréchaire vit et enseigne la littérature à Angoulême. Il lit et écrit dès qu’il le peut.

4 commentaires à propos de “#anthologie #33 | Rien le paysage intact et du délire”

  1. ça ponctue bien le texte dans sa tonalité dramatique. J’en profite pour dire que je vous suis avec intérêt mais présence très épisodique pour ma part donc peu de commentaires (ingratitude totale) je me rattraperai…

  2. je demeure à la fin de ma lecture avec l’image suscitée par le fragment « Ou la truffe d’un animal mort »
    mais que d’images: la lumière les flots les dents le corps inerte « à la pliure de l’eau »
    salut et merci Camille pour ton flux et ton univers…

    • Merci chère Françoise pour tes mots qui réconfortent car j’avoue que j’ai vraiment dû écrire contre moi pour sortir ce texte ! Et double merci car en le relisant j’ai pu corriger une horrible faute dès le début du texte qu’étrangement je n’avais pas vu… Avec quoi j’accordais le verbe traverser alors ?… à très bientôt bises