# Anthologie # 33 | mère l’oeuf

Ouvre cette porte me dit mon père. Mais je ne veux pas, je ne veux pas. Ne fais pas l’idiote, ouvre cette porte, tu n’es plus une enfant… La porte a grincé férocement avant de daigner s’ouvrir sur un cagibi tout noir. Assise sur un tabouret, ma mère tient une bougie éteinte à la main, elle semble étonnée de nous voir. Pas autant que moi. Mais Maman qu’est-ce ce que tu fais là, tu es morte depuis vingt ans. Qu’est-ce que ça peut faire qu’elle soit morte ? Je le suis bien moi ! a rugi mon père, mais alors, mais alors moi aussi peut-être ? Non ? Si ? 

Cagibi obscur étroit bas de plafond. Plein. Cagibi parallélépipédique comme oeuf rempli. Au mitan mère morte soi-disant éteinte portant bougie éteinte. Elle se tait.

Cagibi où vêtements froissés et vieilles chaussures draps serviette planche à repasser aspirateur entassés. Une manche pend.

Au mitan mère morte soi-disant sur tabouret bois peint bleu écaillé dont bois brut gris dénudé apparait. Mère silencieuse comme toujours comme morte et d’ailleurs morte soi-disant assise sur tabouret bleu écaillé bougie éteinte en mains.

Elle tourne la tête vers nous. Regard étonné comme si que fais-tu là toi alors que chez moi et elle morte soi-disant depuis 20 ans et remplissant cagibi peint corail étroit bas de plafond désordre et plein comme un oeuf. La mère l’oeuf.

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement depuis dix ans, beaucoup plus sérieusement depuis trois ans avec la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

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