#anthologie #33 | l’homme qui bouge

Rue plate droite chargée de passants qui passent vivante et déjà morte. Image sans couleur de Broadway posé au fond d’une vallée dé-zoom entre les immeubles recouvrant le ciel gris terre immobile. Zébrure sur le quadrillage de Manhattan blessure rectiligne zoom vertigineux jusqu’à deux yeux qui bougent un chapeau mou une tête un homme.

Rue bondée temps arrêté passants suspendus en statues. Voitures criantes entre deux souffles de klaxon muettes taxis jaunes sans jaune vélos vides en équilibre. Circulation en suspens la mort entre deux respirations. Le ciel au visage livide se reflète sur les parois de verre et emplit l’espace du dernier rêve avant fermeture sur une image bloquée. Deux yeux un visage un chapeau mou une tête un homme il. Bougent.

Ses yeux balaieront de droite et de gauche jusqu’à comprendre qu’il est le seul. Sa tête se tournera des deux côtés comme un non qui surgit de la rue en point d’interrogation rectiligne image stoppe statues flottantes de passants qui ne passent plus. Visage sans expression la lueur d’une décision s’échappe et envahit le ciel devenu rose au-dessus de la vallée morte.

Il marche. Revient sur ses enjambées trotteuses d’une pendule qui tourne à l’envers pour avancer vers l’hier pour reculer vers son choix. Et rien qui bouge sauf il sur ses pas d’une marche ré-enroulée bobine de fil bobine de film bobine de vie. Sans bruit à la renverse d’un destin refusé reculer pour ne pas sauter repartir d’où il vient.

Rue plate droite chargée de passants immobiles de voitures immobiles d’immeubles immobiles. Rue immobile. Volutes de fumée figées au-dessus des bols de soupe à bout de bras des bénévoles de l’Armée du Salut. Bretzel enveloppé par la grosse vendeuse avec application. Un enfant regarde fixement son carnet de glace devant son nez. Landau au milieu. Il tout autour.

Rue plate droite. Il me voit je le suis. 

Photo de Andy Willis sur Unsplash

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

5 commentaires à propos de “#anthologie #33 | l’homme qui bouge”

  1. « et rien qui bouge sauf il sur ses pas d’une marche ré-enroulée bobine de fil bobine de film bobine de vie » j’aime ce voyage retour et le ciel au visage livide ( « carnet » de glace si c’est une coquille il faut la garder) merci !

  2. … happée par les « enjambées trotteuses d’une pendule qui tourne à l’envers pour avancer vers l’hier »… merci… et oui… le carnet de glace c’est délicieux…

  3. « temps arrêté passants suspendus »
    et pourtant c’est bondé ça crie ça hurle, on a le temps de tout voir, de choisir sa direction
    « …interrogation rectiligne image stop statues flottantes »
    (pourrait être plus fragmenté encore… oui c’est dur de ne pas recourir à la phrase !)