Début décembre Rome, mardi matin vers 9 heures
Mais qu’est-ce que je fous là à attendre cet abruti ? qu’est-ce que c’est que ce binz ? Le type est là tous les matins il va faire ses simagrées dans cette église et moi je regarde, j’attends je regarde : le fleuriste, le type qui vend ses journaux idiots et de la nuit je n’ai pas dormi – et j’attends, je fais le guet dans cette cabine téléphonique, je regarde la rue, vers neuf heures le voilà qui arrive comme à chaque fois – sa voiture sa garde rapprochée sa sacoche et son complet de prêt-à-porter gris non mais quelle dégaine jte jure – une femme promène son chien – dire qu’il y a une femme qui l’aime, avec qui il a fait quatre ou cinq mômes, c’est à ne pas croire – je traverse, Mario dit qu’il est grand-père, quel âge a-t-il, soixante soixante cinq ? Je ne sais pas je rentre, je me signe et il y a là un de ses sbires, la main dans la veste, qui me regarde, je m’agenouille au fond, lui est là-bas, devant l’autel, agenouillé tout autant, je suis derrière, assez loin, il n’y a rien à craindre, j’ai mis mon voile sur mes cheveux, je prie aussi, allez va, je prie pour qu’il s’en aille enfin, je sors avant lui – je me signe – dehors là la voiture blanche, ses trois barbouzes qui attendent en fumant, le quatrième devant la porte de la voiture noire, il me regarde je l’ignore, les autres dans leurs uniformes, des jeunes types au moins l’un d’eux, un type qui a mon âge, qui est là pour faire régner l’ordre, mais bon sang à quoi ça peut penser ce genre de type ? Dehors les enfants courent et rient ils vont à l’école sûrement, les mères les accompagnent, avant d’aller faire les courses pour le repas de midi, de l’autre côté du petit rond-point, la Standa, sur le rond-point un pin parasol immense, comme les six ou sept qui entourent cette église, rouge et ronde et affreuse, je regagne la cabine, je rentre, je fais semblant d’appeler, tout ça réglé comme du papier à musique – j’attends, j’attends mais qu’est-ce que j’attends ? Deux minutes. Le type a une mèche de cheveux blancs. Il est coiffé, il est sérieux, il sort et marche droit un peu voûté, sa sacoche à la main, le voilà qui s’en va vers sa voiture – là, là à ce moment-là ce sera impossible – il plaisante avec son garde du corps, un vieux mec, qui lui ouvre la porte, le mieux serait à l’intérieur de l’église – sortir par l’arrière, la sortie derrière, le gymnase, l’auditorium, la rue Zandonai, c’est à découvert, je reviendrai – demain – un autre jour – je reviendrai – de l’autre côté de la place, l’arrêt de bus, trop de monde, le café, le tabac, les gens encore – des centaines de gens – voilà, ils s’en vont rapidement, ils s’en vont
et la suite on la connait