#anthologie #32 | Palerme brule

 Palerme peut être chaude, brusque, extrème.  Souvent en été, Palerme est en proie à une météo étouffante. Selon la classification de Köppen, son climat ‘méditerranéen’ se caractérise par un hiver chaud et pluvieux et un été sèche et chaude. Entre le mois de juillet et le mois d’aout la ville tend à se vider. Les habitants qui restent sont les travailleurs, les pauvres et les touristes. Le 18 aout aout 2023 au matin, les températures avaient commencés à monter en flèche jusqu’à rejoindre les 44 degrés. L’après midi, l’Observatoire Astronomique de Palerme avait enregistré un pic historique de à 47,0 °C. L’incendie s’est déclaré au soir.Ce jour-là, en raison de vents violent,  des nombreux incendies ont encerclé la ville. Le cauchemar en Sicile s’appelle scirocco. Le feu s’était propagé d’abord du coté est de la route qui mène à Catane, puis au sud, du coté de la superstrada de Sciacca jusqu’à l’Ouest vers l’autoroute vers Trapani qui passe par l’aereoport Falcone-Borsellino. Dans le pire des cas les palermitains auraient toujours pu s’échapper du coté nord vers son golfe dans la mer Tyrrhénienne, qui ce soir là était faussement calme, frémissait. Ce vent chargé des poussières venait du Sahara traversant l’Algérie, le canal de Sicile, puis au centre de l’île la terre torride et surchauffée avant de s’abattre sur la ville alimentant toutes sortes d’incendies, criminelles ou pas. Mon avion avait été le dernier à atterrir avant que pendant des longues heures l’aerogare ne ferme à cause des flammes qui se dirigeaient vers la piste d’atterrissage. Dans le taxi, le scirocco m’empêchait de voir à plus d’un mètre devant moi. La radio annonce la progression du feu et sur la route de Bellolampo fermée en raison de la flambée de feu en la décharge. L’autoroute A19 vient aussi d’être fermée nous obligeant à faire un détour par les montagnes derrières. La circulation jusqu’à Palerme se fait à pas d’homme. ‘Palerme et sa province vivent des heures dramatiques. A la radio on entend :  « Les incendies menacent des zones habitées’. En haut, un Canadair est en action. Arrivés en ville du côté du quartier de Borgo Nuovo, nous assistons à l’exode de ses habitants. Les gens ont abandonné leurs maisons et vont camper dehors. Derrière au loin les flammes torrides font peur. De mon taxi, je vois un homme inviter une dame à s’asseoir pour se remettre d’aplomb. Je perçois une forme de comprénsion, la chaleur silencieuse des habitants, témoins de ce danger qui avance. Les gens ici n’ont pas la chacha décriée des napolitains, ils regardent résignés ce qui pourrait se passer. Palermu Paliemmu, ou Palìaimmu en dialecte palermitain est une commune de 626 914 habitants], cinquième d’Italie par sa population. Située sur la plaine de la Conca d’oro au pied du Monte Pellegrino, la ville est entourée par l’amphithéâtre des monti di Palermo, formations rocheuses qui s’avancent vers la côte, créant un véritable fossé physique entre les différents quartiers et un rempart contre les incendies !Dans mon taxi, un peu plus loin, j’assiste à une véritable ruée vers la ville, les voitures s’alignant les unes derrière les autres pour tenter de s’éloigner de la zone critique. Pendant des heures, Palerme est enveloppée dans un nuage de fumée. « Et, on pourrait croire que c’est un film, tout ça, Mezzogiorno di fuoco ou l’autre, l’autre film, Killer fire (de Ron Howard[1])  – commente le conducteur de mon taxi – sauf que chez nous il n’y a pas les supers héros de pompiers américains avec leur valeurs traditionnelles ! En Sicile c’est une autre histoire. Qui c’è la vera povertà, il disagio, la questione meridionale. Qui per vivere o si va al nord o si brucia tutto !  Dit-il en faisant allusion à la suspicion permanente selon laquelle tous les étés les pompiers eux-mêmes causeraient une bonne partie des incendies pour éviter d’être licenciés et justifier ainsi leurs salaires… Il semble que le président de l’Etat Italien Mattarella est coincé lui aussi dans cet interminable embouteillage. Il participera à la conférence « Mémoire et continuité » organisée dans l’Aula Magna du Palais de Justice à la mémoire du juge Rocco Chinnici, tué lors du massacre de Via Pipitone Federico, dont on fête demain le 40e anniversaire. Entre temps son programme a été bousculé par les événements. Avec le président de la région Renato Schifani, le maire Roberto Lagalla et l’archevêque Corrado Lorefice, a du partir constater la dévastation de l’église de Santa Maria di Gesù, si chère aux palermitains, datant du XVe siècle. Ici, les flammes ont tout emporté y compris le toit en bois de l’ancien monastère des frères capucins situé dans le cimetière… Le lendemain j’appelle Maurizio et lui demande comment va padre Cataldo. A l’autre bout du fil Maurizio est visiblement atteint : « Les pompiers n’arrivaient jamais ils étaient occupés à d’autres interventions. Entretemps toute notre vie à Sainte Maria del Gesu s’est  écroulé. Le diable n’avait jamais osé s’approcher ces lieux mais hier il nous a tout arraché. Père Cataldo ne voulait pas sortir de la, ils ont dû le prendre de force. Il disait que le diable ne pouvait pas gagner la partie et que s’il le fallait il mourrait à côté des ossements de San Benedetto il moro (mort en 1589 dans ce monastère)!Padre Cataldo a survecu à l’incendie de son église mais il est étrangement mort quelques mois après d’un cancer du pancréas…

  [1] le quasi-remake hongkongais Lifeline de Johnnie To s’imposent comme des sommets récents du genre. 

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