Il suffit de tourner au coin de l’immeuble et on change d’univers. Les trottoirs deviennent saturés de monde et la chaussée trie les voitures et les deux-roues sur deux voies séparées par des bandes sonores fluorescentes. Le matin, en fin de semaine, c’est le marché, plus ou moins bien achalandé selon les saisons. C’est là que je trouve le cresson frais, sur un étal tenu par une femme qui en cultive avec son mari dans les cressonnières de la région. Devant chaque étal, les fidèles, en file indienne. C’est là qu’on apprend les nouvelles de proximité et autres. On y retrouve les mêmes têtes toutes les semaines et on y poursuit le feuilleton du quartier. Ça papote allègrement et même parfois, sérieusement. Les cafés et les terrasses sont bondé.es. On y refait le monde. On y parle toutes les langues, ou presque. A prêter l’oreille on entend tout d’abord un foisonnement de gargouillis puis l’oreille trie ce qui est compréhensible, le reste devient bruit de fond. Le long du marché, de chaque côté, une allée occupée par les agriculteurs. La campagne qui vient à la ville. Quelques-uns affichent le label bio. Sur les étals… œufs, fromages, poulets, miel, légumes de saison, fruits de la région, essentiellement des pommes et des cerises. Les autres fruits sont sur des étals de commerçants, bien alignés. Jeux de couleurs. Les vendeurs hèlent le passant, lui proposent de goûter leurs produits, courent derrière leur éventaire pour servir les uns et les autres. Agitations. Les paniers se remplissent, les caddies débordent, les bras embrassent des bouquets de fleurs à offrir. Consommation. A mon retour, une femme au coin de l’immeuble. Les cheveux gris relevés en chignon au-dessus de la nuque. Aujourd’hui elle porte un long gilet vert qui couvre chemise et pantalon. Aux pieds des chaussures de toile à la fibre usée. Elle regarde les gens dans les yeux et leur souhaite une bonne journée tout en tendant la main gauche, paume ouverte vers le ciel.