C’est là. Pour y accéder, il faut passer par le vieux, très vieux port de pêche, supporter l’odeur des cordes, des bateaux de retour de pêche, les hauturiers et les autres, leurs ancres rouillées. L’odeur peut être rance, rude, acre, ça sent le retour de mer, les heures de travail passées depuis des siècles et la transpiration des pêcheurs. Ils n’en ont rien à foutre que tu sois là ou pas là, par contre voilà des gens qui comprennent sans discussion le désespoir.
C’est là qu’un type qu’on croyait président de la République n’a rien compris à rien, lui : Tu m’dis quoi ? Ben ! Descends un peu pour m’le dire.
C’est là. On passe, on marche par mégarde sur les rouleaux de corde qui empestent, ça sent le varech. On n’aime ou pas.
C’est là. Le chemin de promenade n’apparait que peu à peu au bout de plusieurs mètres de foulées à pas lents et tranquilles. Mais le silence vient instinctivement. On est au bord de l’eau mais on n’entend aucun clapotis.
C’est là le cimetière des bateaux, les malamoks du nom d’un oiseau de mer. Des carcasses de pinasses du début du 20 -ème siècle enchâssées dans la vase, abandonnées par leurs propriétaires, souvent morts à la guerre, mais qui ont laissé leurs âmes au fond de ces épaves.
C’est là que nous tenons nos colloques annuels, silencieux la majeure partie du temps. On ne sait jamais assez, ni assez tôt mais plutôt trop tard que ce sont certains silences qui unissent les personnes.
C’est là, c’est drôle, j’ai regardé récemment un documentaire sur Sarah Bernhardt qui n’aimait ni la montagne ni la forêt mais la mer à cause de l’horizon. Je comprends ça, le besoin d’horizon, l’envie de regarder très très loin, de voir les nuages se rassembler en d’énormes tourbillons pour peut-être plonger dans la mer, on ne sait jamais et s’ils ne faisaient qu’un pour finir ?
(pareil ni la montagne ni la forêt) oui – j’adore