Ça commence dans un rêve, tu ne sauras jamais que je suis apparu cette nuit-là dans ton rêve, j’étais là mais pas vraiment ; il y avait onze cercueils, anonymes, alignés dans une chapelle vide de bancs. La rêveuse sait qu’il manque un cercueil. Elle passe et repasse. Où est le douzième ?
J’ observe les plis de ta peau, ça te terrifie de ne pas savoir le nom de l’absent.
La mort, tu parles, je m’y connais. Je la craignais tellement. Vingt années d’apostolat jésuite pour elle. Puis ma vie sur les planches, habitée par les morts, mue par leur souffle, scandée par leurs rictus, leurs états d’âme, leur douleur, leur agonie. Tiens, l’agonie. Un tel effroi. J’ai toujours rêvé de savoir si un nouveau-mort sait qu’il est mort. Le nouveau-né, lui, ne sait pas encore qu’il est né. Dis-moi, comment le saurait-il ? N’aie pas peur. Je me suis réjoui de mon nouvel état de cadavre. Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris. Au théâtre, tu sais, ce sont les morts qui se redressent, toujours. Comme sur l’autre rive du rêve. L’énigme de l’absence reste entière.
Quel texte ! on a envie que ça continue. C’est fort et mystérieux.
Faut dire que les « indications » de Laura Kasischke sont redoutables d’efficacité ! Merci de votre lecture !