— Je vais te dire,: ce qui me hante, ce n’est pas l’après, c’est le juste avant, la seconde, le centimètre juste avant que je m’écrase, avant que plus rien. C’est très long une seconde et moi qui te dis ça je suis installé ici pour l’éternité ! J’ai pensé, un millionième de seconde, que je pourrais dire stop on arrête tout, je remonte comme si c’était un coup d’essai, un appel au secours. Un oiseau volait avec moi qui m’accompagnait, j’ai vu la cime du grand if, j’ai vu le héron de la mare, que fais tu là héron, tu viens m’accueillir, salut héron. Un copain d’ici m’a dit que lui, à quelques centimètres, il avait eu peur que quelqu’un — va savoir qui — décide de rembobiner le film. Non, laissez moi plonger. Un mètre dix centimètres un centimètre et il a réalisé qu’il n’allait pas pouvoir raconter cette histoire, alors oui remontez moi mais c’était trop tard ! — Ton histoire ça me rappelle quand je suis monté dans ce train à quai pensant qu’il allait partir cers C. où j’avais un rendez-vous important mais qu’il est reparti vers Paris, moi seul passager, ne pouvant rien arrêter, retour à l’origine incapable de faire ce que j’étais venu faire. Dis moi, puisque tu as l’air de connaitre du monde, je voudrais vérifier quelque chose. Au bistrot l’autre jour, à propos de je ne sas plus quoi, je ne sais plus qui a dit : Si tu veux comprendre ce qui se passe, faut aller sur l’marché et regarder. Tu verrais, y’a que des maigres, les gros ils sont tous morts. Peut-être les gros ils tombent plus vite, les maigres, ils flottent, ils planent ? — Je vais voir. A l’instant, le bruit court qu’un John Mayall vient d’arriver. Certain·e·s semblent savoir qui c’était. — Il était pas gros lui.