#anthologie #31 | le mort parle je « vivre pour deux »

#anthologie # 31  Le mort parle je :  « vivre pour deux ou un destin double » par Jean Yves LEBORGNE

Quand tu as reçu ton diplôme puis vu ta réussite aux concours que tu avais présenté j’étais là

Quand tu as effectué de tes propres mains à ton domicile la venue au monde de ta fille imprévue, inopinée que tu as tenu ce nouveau -né pressée de vivre dans ce monde   , j’étais là aussi

J’ai été incinéré après mon autopsie de principe j’avais 4 mois Il y a 40 ans

Je ne vous ai jamais abandonné mon clan et toi mon frère mon jumeau, je suis là.

Dans le gros ventre de notre mère nous fûmes deux garçons.

Depuis quelques jours je me sentais à l’étroit mais je me sentais plus oppressé que tu ne l’étais  

Notre dernier échange télépathie sans doute s’est produit tu t’en rappelleras dans la profondeur de ton cœur

Tout est allé sans doute trop lentement ou trop vite je ne sais plus. Cette mort ?On a dit qu’elle était « subite »

Malgré ce départ tragique pour ceux, qui restent tu as gardé la certitude de mon existence à tes côtés

Nés légèrement avant terme un calcul simple m’est venu

4 mois extra utérin (il existe la vie avant la vie) ajoutés à 8 mois in utéro cela fait 12 mois on a eu le temps de s’apprécier et d’échanger. J’ai partagé le même espace protecteur.

Puis ce fut ce beau berceau en bois muni de barreaux ouvragés les pieds bien droits bien assez vaste pour nous deux.

C’est là que je t’ai fait savoir que je ne me sentais pas bien ; déjà sur la fin avant l’accouchement c’était le syndrome du jumeau plus faible ?

Tu m’entends et ne peux pas m’aider

La nuit est arrivée et notre père a déjà pris la route pour son service de nuit.

Tu ne peux pas m’aider et tu t’agites.

La maisonnée est endormie notre mère fatiguée sans doute dort profondément.

Je sentais, je crois, j’avais l’impression que je mourais ; comme un vertigineux sommeil subitement qui s’est emparé de moi. Aspiré mon petit corps de 4 mois ne résiste pas

Brusquement le silence s’estompa et des lamentations des larmes J’ai alors pu observer l’agitation des pompiers et le SAMU qui sont là.

Notre père revenu en catastrophe

Tu en as parlé plus tard avec notre père à qui tu confias la frustration de n’avoir rien pu faire et sentir partir son compagnon de route, cela t’avait pour toujours bouleversé.

Je sais que tu penses que ma vie sur terre, privé de mon enveloppe physique est « inachevée »

Je te le dis encore « Je suis là à côté de toi et en toi par l’intensité de ton énergie à vivre »

Energie à vivre pour deux je peux le constater et j’en suis fier.

Dans notre clan on est pour la recherche (par le travail et l’effort) du mieux possible.

Je suis là et t’observe agir et méditer.

Sous quelle forme je me manifeste ? celle qui vous convient selon le contexte éthéré, adolescent, adulte comme un clone de toi, furtive sensation, léger frisson de mélancolie selon celui ou celle qui se souvient de mon bref passage chez vous

Pour toi mon petit frère mon grand frère, mon ami dans l’intouchable je partage tes apprentissages, tes échecs et tes succès. Je chuchote parfois à l’oreille de nos soeurs

Les premières manifestations furent des stigmates sur tes deux poignets à chaque année à la date anniversaire de ma mort. Taches arrondies apparaissant subitement comme de l’eczéma ou psoriasis. Ces signes sans traitement, disparaissent subitement le lendemain ou 2 jours après ; pas de crème, pas de corticoïdes. Tu n’en parlais pas

J’ai cessé de me manifester sur ta peau quand tu as reçu l’explication de notre père « mystique ». L’année de nos vingt ans quand tu lui demandas enfin son avis lors d’une petite conversation entre hommes Vous avez évoqué cette souffrance partagée tu as confié que tu voulais vivre, aussi pour moi (le disparu du champ visuel) en pleine conscience, la beauté de la vie et le plaisir de dérouler un destin, une vie terrestre comme si c’était son dernier jour et voir le demain un nouveau jour se lever

Dès que l’interprétation de ces problèmes brefs cutanés fut évoquée, comme un signal de ma présence plus jamais ces stigmates ne furent nécessaires.  

Vous deux aviez, en connivence, admis ma potentielle présence.

Je contribue, je participe, ma mort a été utile en cela ; je renforce ton mantra mental qui te sert de motivant d’appoint. (Outre l’entrainement, le travail acharné, l’obstination et le soutien des nôtres)

Sous ces impulsions tu veux courir, respirer, exister pour deux : ta ténacité multiplie les chalenges, les performances et les actions.

Je suis bloqué dans le souvenir de notre mère dans le corps d’un bébé de 4 mois vulnérable Son deuil a-t-il été facile ? non elle a déclenché des maladies psychosomatiques dont un cancer du sein

Nos sœurs me font un Hommage sans parole ; hommage à un petit frère parti comme invisible Elles sont devenues soignantes spécialisées en service spécifique pour prématurés et pour enfants. Motivation inconsciente pour répéter des gestes symboliques

Regrets et amertume pour notre père réanimateur de profession et attentif au décodage et à l’interprétation de la place des émotions dans les maladies.

J’ai grandi en même temps que toi, j’ai perdu ou échoué avec toi, souvent réussi et excellé grâce à toi qui vit pour nous deux.

Tu as choisi de te perfectionner dans deux instruments de musique et de donner à ta profession une double spécialité pour te former dans deux spécialités distinctes

Notre père ton complice bien vivant sait pourquoi tu as ce rythme d’hyperactif il te surveille du coin de l’œil et te conseille de te ménager quand nécessaire

Je te recommande de prendre soin de toi.

Jean Yves LEBORGNE   

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