Cette nuit là, je n’ai pas crié, je n’ai pas pleuré, j’ai senti comme un temps d’arrêt dans ma respiration et je n’ai pas eu le temps de me retourner, j’ai cessé de vivre d’un coup et ce n’était pas si difficile que cela. J’étais déjà dans un lit, pas allongée sur un trottoir parce que vivante dans la rue ou aux mains d’un médecin essayant de me ranimer avec tous leurs appareils introduits dans mon corps ; non, c’était en pleine nuit et j’étais simplement étendue sur le ventre dans des draps blancs, avec vous tous qui dormiez en même temps que moi, mais je ne dormais pas. Mais que s’est-il passé me demandes-tu ? J’étais posée sur le ventre et je me souviens avoir eu chaud. Etais-je en train de rêver ? … oui, peut-être bien. Avais-je essayé de pleurer ? … il ne me semble pas. Avais-je décidé de partir ? Mais, en voilà une jolie pensée, que tu as là. Avais-je décidé de partir ? Je ne peux pas te le dire, je dois te laisser découvrir. Tu ne m’as pas posé cette question lorsque tu m’as trouvé, alors, pourquoi te la poses tu aujourd’hui ? As-tu dis mon prénom ? Alexandra, Alexandra. Je ne sais plus mais je crois bien que tu as posé ta petite main sur mon corps en criant maman, maman, elle ne bouge pas j’étais déjà ailleurs mais je me souviens de ta voix et de la chaleur de tes doigts. Je me souviens avoir été contente que ce soit toi qui soit venue me réveiller ce matin-là. J’aurai préféré te regarder, te sourire, te rassurer mais oui, je suis réveillée et je te souris, tu viens pour me donner mon biberon ? Mais je n’ai rien dit. Pas un mot. Je n’ai même pas bougé. C’est toi qui a crié de ton cri d’enfant qui ne comprend pas. C’est toi qui a pleuré, c’est toi que l’on a attrapé par la main brusquement pour t’obliger à attraper le bus qui te menait à l’école. Mais comment va se passer sa journée ? me suis-je demandé. Savais-tu déjà que je n’étais plus ? L’as-tu raconté à ta maitresse, à tes copines ? Dis-moi, je veux que tu me le dises.
10 commentaires à propos de “#anthologie #31| Je suis venue te dire.”
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Terrible ce texte qui m’a tenu à bout de souffle, comme suspendu au dernier souffle de vie qui relie encore ton personnage dans ses ultimes instants à son enfant. C’est dur, très dur même, mais que c’est beau ! Merci Clarence pour cette écriture qui tape fort dans ma matinée embrumée. Je t’embrasse.
Cher Camille, merci pour ton regard. A te relire vite, je t’embrasse.
écrire où ça fait trop mal. Merci Clarence
Merci Hugo, à très bientôt dans vos mots.
Merci Clarence tant d’émotion à l’entendre ( qui n’a plus de photo dans l’album) et d’émotion à te lire qui lui donne mots
Merci Nathalie d’avoir tout de suite saisi la référence de mon autre texte et à te relire vite. Baisers.
Poignant et pourtant si doux ! Merci, Clarence !
Merci Helena, je t’embrasse et à te relire.
terrible mais si tendre
le lien de l’aînée qui persiste
Tout à fait Brigitte, merci pour votre lecture, à bientôt.