Dites-moi, pourquoi vous vous mettez à parler, maintenant que vous êtes morts ?
Probablement parce qu’on ne nous donnait pas souvent la parole quand nous étions en vie.
Comment vous appelez-vous ?
Ça, on ne le sait pas très bien. En arrivant ici, on a changé nos noms. Le mien est Sel à présent.
Très bien, Sel. Que faisiez-vous sur la terre ?
Difficile à dire. Où nous sommes maintenant, on n’a droit qu’à un seul souvenir de notre vie passée. Le mien c’est un arbre.
Un arbre particulier ?
Oui, très particulier. Il avait une forme bizarre. Biscornue. Les branches formaient une espèce de fourche, très pratique pour y lancer une corde.
Ah ! C’est-à-dire que vous êtes mort pendu.
Exactement.
Pour une raison spécifique ?
Pas très. Enfin, je ne crois pas. C’était parce que l’idée m’attirait, tout compte fait.
Et que faites-vous, maintenant, dans cet endroit ?
On nous a demandé d’attendre.
Quelque chose de précis ?
Non. Juste attendre.
Que faites-vous pour passer le temps ?
Rien. On demeure.
Vous parlez entre vous ?
Ah, oui, beaucoup. On ne fait que cela.
De quoi, exactement ?
On dit des mots. Ils nous sortent par la gorge. C’est plus fort que nous. Par exemple, Viac, là-bas, il ne parle que de souris et de verres de lait. Moi, j’aime surtout prononcer les mots vaillant, vallée et vacarme. Je crois que je suis mieux compris quand je les dis.
Tous commencent par la même lettre, un V. Une raison particulière ?
Non, je crois que c’est surtout pour être aimable. Viac aime aussi les noms en V.
Vous recevez des visites ? On vient vous tenir au courant ?
De quoi ?
Je ne sais pas, de votre retour, de votre départ pour un autre lieu.
Oh, non ! Ils viennent surtout nous encourager. Enfin, nous dire que tout va bien et que nous sommes sur la bonne voie. C’est très réconfortant.
Sentez-vous le froid, la peur, la faim ?
Ce sont des beaux mots. Mais, en fait, que faites-vous ici ? Etes-vous un l’un de nous ?
Je ne peux pas vous dire.
Très bien. C’est toujours comme ça qu’il faut répondre.
tu aurais pu l’intituler « faire parler les mots » – oui,enfin je ne peux pas non plus dire… :°)) (j’adore)
Oui, tiens, c’est vrai ! Comme quoi la lecture de nos textes nous illumine. Merci, Piero !
C’est incroyable comme c’est vivant léger drôle . Ce dialogue me fait rêver et oublier la peur. Merci Helena ! Merveilleux .
Oh, merci, Nathalie ! Tes mots à toi me font du bien !
Savoureux et Vivifiant. Merci Helena.
Vivifiant, j’aime ce mot ! Merci, Ugo !
Où nous sommes maintenant, on n’a droit qu’à un seul souvenir de notre vie passée. Le mien c’est un arbre.
superbe !
Merci, Françoise ! On lit autrement ce que l’on a écrit grâce à ce que le/la lecteur/lectrice a retenu.
« Moi, j’aime surtout prononcer les mots vaillant, vallée et vacarme. Je crois que je suis mieux compris quand je les dis. »
merci!
Merci, Lisa !
Léger et drôle, merci pour le sourire
Merci infiniment, Perle. Ce sourire est pour moi précieux !
Jaime beaucoup ce petit théâtre de l’absurde. Je ne sais pas si c’est le bon mot mais c’est celui qui me vient. C’est drôle et donne de l’énergie. Merci Helena.
Merci, Elise ! oui, absurde, ou peut-être pas. Qui sait?
Pourrait tenir compagnie à ceux qui attendent Godot ! En tout cas ça donne beaucoup d’espace, c’est presque aérien, ça désarme superbement le tragique !
Merci infiniment, Jacques. C’était en effet l’intention. J’en avais écrit un autre beaucoup plus grave, mais c’est celui-ci qui s’est imposé.
ce dialogue ! très beau Helena, et ce que tu donnes à dire comme ça, avec légèreté (par ex « Rien. On demeure. »), merci !!
Oh, merci, Gracia ! Heureusement que je me suis laissé emporter par le sujet !
J’ai commencé par la #34 et suis arrivée là, quel humour souvent dans vos textes mais humour grave (je ne sais pas comment dire) et tellement d’invention, c’est toujours un plaisir Helena de vous lire.
« humour grave », j’aime beaucoup ! Merci infiniment pour ces lectures et commentaires, Isabelle !
Bonjour Helena ! J’entre dans ton cycle par cette porte ! Merci pour ce texte qui exorcise la mort ! Comme Jacques, j’y ai lu des résonances avec Godot 🙂 ! Pouvoir merveilleux de la littérature d’attraper ces voix en pied-de-nez à la mort ! MERCI ! Je vais ouvrir d’autres portes !
Merci, Émilie ! Cela fait vraiment plaisir !