# anthologie # 31 | butée

j’avais une névralgie à la main, j’étais en train d’écrire une carte postale (rose verte rouge – j’aime assez les cartes postales), c’est venu tout à coup. Ou alors j’étais en train de prendre en photo le deux cent dix de la rue (si tu veux, je peux te décrire cette image-là mais le mieux serait de te l’envoyer, mais enfin c’est un porche, dans les verts, sur la droite il y a une boite aux lettres jaune, et au dessus une petite image sous du plastique épais et transparent – l’image est en couleurs, on peut en trouver un peu partout, la même – ou d’autres – collées sur les murs, des écoles par exemple aussi – ou des hôpitaux ou des mairies) mais dans le livre que je lisais c’était le deux cent neuf – en face – je pourrais aussi faire la photo avec le robot, ce serait facile, ce sont des choses que j’aimais bien faire et puis j’ai traversé, j’ai buté contre une dragée (ces trucs qu’ils font pour matérialiser les pistes de vélo, tu sais) je voulais protéger le nino je me suis senti partir en avant je marchais d’un pas décidé attiré tendu vers le goudron le coin du trottoir je l’ai lâché pour tenter de me protéger la tête mais elle a buté je me suis assis le type était là « ça va monsieur ? » je me disais c’est donc ainsi c’est aussi simple que c’est comme ça qu’on meurt et j’avais un peu mal à la main, celle de la névralgie oui – au clavier on se sert des deux tu vois, avec un stylo une seule suffit – « ça va monsieur, comment vous appelez-vous ? » le type était chauve, il portait un t-shirt mauve avec une inscription jaune, j’ai pensé mais pourquoi sommes-nous ainsi sommés de nous transformer en homme-sandwich, personne ne nous y pousse mais pourtant – oui oui, j’ai dit mon nom – en tout cas, j’en avais l’intention il m’a regardé, mon front le haut de mon crâne « non vous ne saignez pas non » j’ai touché ma bosse (j’ai pensé à Jean Marais « touchez ma bosse Monseigneur » la botte de Nevers, les jardins du Palais Royal et Colette obligatoirement sans doute (jamais lue et ce n’est plus maintenant que je vais pouvoir) mais le col Claudine m’a fait penser à une de mes tantes (par alliance) qui était surnommée Max par son mari et qui, un jour, tenait devant elle son exemplaire vert et or du Coran – il y a une photo de ça oui et on ne la voit pas on voit ses phalanges et sa peau ses cheveux il me semble – ça ne saignait pas, non, mais moi, je n’y étais plus – ça s’est passé d’un seul coup, comme s’il s’était agi d’un coup du sort, ça s’est envolé ça s’est enfui il n’y a plus rien il n’y a rien eu j’ai bien tenté de regarder mais il n’y avait rien et d’ailleurs ce n’est pas moi qui écrit, c’est une lettre, c’est plié et glissé dans une enveloppe (elle était vendue avec la carte) il y avait des enveloppes qui étaient estampillées « par avion » oui une enveloppe de ce genre les dessins de ces volatiles étaient stylisés bleu et rouge sur tout le pourtour quelque chose, je me souviens un peu comme ceux de la poste – comme quand on voyait un avion passer dans le ciel (alors ce n’était pas courant, mais j’ai gardé cet appétit tout au long de ce temps) et qu’on faisait des signes en disant « au revoir D. » car cette autre tante, D. prenait l’avion s’en allait partait qui pouvait bien savoir où mais elle partait, je me souviens à la Salpétrière, sur le drap jaune ses cheveux fins et blancs si blancs – c’était en juillet oui

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

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