…Perchée sur mon nuage, je regardais la ville de haut, j’ai frôlé les terrasses des immeubles et me suis laissée tomber.
J’ai rebondi telle une balle d’étage en étage, le corps plein de bleus.
…Il fallait descendre
En bas, la machinerie de l’immeuble, son ventre, ses organes, ses pets de vapeur, ses gargouillis immondes, on aurait dit un abdomen malade qu’on aurait ouvert puis recousu en y mettant ferraille, canalisations, VMC, tiroirs nauséabonds, serviettes éponges de sueur visqueuse flottant sur une eau croupie, oubliée depuis belle lurette. J’ai glissé et on m’a retenue…
…Et toujours, il fallait descendre
Plus bas, des portes de vapeur de différentes couleurs ouvraient sur des espaces ordonnés, des empilements de babioles inutiles, d’ordinateurs éventrés, de chaises cassées, de fauteuils à bascule, de bric-à-brac. Univers de bimbeloterie, frivolité, léger comme les portes elles-mêmes en voile, mousseline, coton, soie, polyester, bambou. Je volais à nouveau mais…
Toujours, il fallait descendre
Encore plus bas, la rudesse des rencontres explosait dans des coulées de lave rougeoyante. Choc contre les cerveaux qui craquaient, les globes oculaires se fissuraient, la verticalité des bancs de bois donnait l’impression d’un monde mis sur un côté. Assise sur l’un d’eux, je dérapais et je tombais.
Et toujours, on me retenait et je ne pouvais rentrer chez moi.
…Au loin, l’océan roulait des monstres marins aux formes composites, l’océan lui-même se transformait en monstre. Ses écailles se durcissaient, sa langue s’allongeait démesurément tout comme sa queue, il se faisait dragon aux couleurs vivaces ou sombres selon la température de la terre. Je me noyais mais…
…Toujours, on me retenait
La terre ouvrait ses entrailles, les vers l’aidaient dans cette besogne, le manteau et la croûte se craquelaient sous l’effervescence du monde souterrain grouillant dans les labyrinthes. Je me perdais…
Et toujours, on me retenait
…Encore plus bas, tout n’était que magma bouillant. Le cœur de la terre brûlait. Je le regardais tétanisée dans sa beauté brute sans bouger, enserrée dans les bras qui toujours me retenaient.
oh l jolie idée ! qui donne encore plus de force au texte originel
merci Brigitte pour ton commentaire, tu me donnes un nouvel élan pour que je comble mon retard.
Encore merci !