En italique insertion d’un témoin dans #anthologie #16 | au-delà de leur silence
Elle est dans l’appartement, dans la pièce voisine. Elle est venue pour les essayages, comme elles en ont l’habitude.
Silencieuse, assise sur le divan de sa chambre de coutures, elle l’invite à son côté. Elle ne quitte pas son ouvrage des yeux. Ses mains tiennent de longues aiguilles. Son regard est pointu, perçant. Elle ébauche un étroit sourire.
Il y a longtemps qu’elle n’a pas revu le garçon. Il doit être bien grand à présent.
Il se sent observé sans craindre son mince sourire. Il ne lui fait pas face. Il quitte ses yeux. Il s’allonge contre elle, la tête sur son ventre. Immobile, soumis et audacieux à la fois. Ses mains désirent.
Elle avance dans le couloir, les aperçoit, les devine par la porte entrouverte. Elle a l’impression que le garçon est endormi. Comme elle à l’air heureuse de l’avoir un peu pour elle.
Silencieuse, à son ouvrage, elle accepte sur son giron le poids de cette tête adolescente. Elle tolère aussi la main qui caresse la soie de ses bas à ses mollets, à ses genoux, au début de ses cuisses.
Elle en est certaine : le garçon s’est endormi sur ses genoux. Elle ne veut pas les déranger. Elle revient sur ses pas, hésite, puis revient, frappe discrètement à la porte entrouverte.
Il n’est plus qu’un désir inédit, passé de ses mains à tout son corps envahi. Il imagine une frontière inconnue quand il rencontre la peau chaude et nue. A ce moment précis, il s’interrompt, se fige. Dans le silence, à travers le tissu de la robe, la main adulte arrête sa main.
Elle a un court instant, très bref, le sentiment d’être indiscrète, de troubler l’intimité de sa meilleure voisine, sa grande amie.
belle tension Ugo et ce regard qui voit sans voir et se retire
c’est incursion d’une présence permet de vraiment de développer le texte tout en le creusant. Je ne sais pas comment le dire autrement
Merci Nathalie et Philippe de vos passages et retours. Perso, ce témoin imposé par la consigne me dérange plus qu’il m’apporte.
Cela marche drôlement bien, Ugo ! Cette présence indiscrète trouble et crée le suspens ! (je n’ai pas fait cette proposition pour la même raison que tu mentionnes, mais je sais que j’ai tort ).
et pourtant elle n’a fait que sentir qu’elle devait être gênée (sourire)
aime beaucoup le texte originaire que j’avais loupé
et lisant les commentaires : oui il dérange (quoique certains ont su détourner je crois) mais ici oui il (ou plutôt elle) rend plus palpable la gêne