#anthologie #29 | De ce que l’on appelle la France profonde (de Faux-la-Montagne à Egletons)

On disait beaucoup de choses sur les votes des ruraux, sur la ruralité en général; qu’ils avaient des problèmes que ne connaissaient pas les citadins, de transport surtout, avec l’absence de transport en commun, la voiture obligatoire, les deux voitures obligatoires.

J’arrive à Faux-la-Montagne par la D992 après des tours et détours à travers des routes de forêts et de lacs très étroites ; talus couverts de fougères aigle que percent parfois des bouquets de digitales pourpres quand la forêt se fait plus clairsemée ; sapins, hêtres, chênes, tout extraordinairement vert dans cette année pluvieuse ; circulation rare, mais parfois arrêtée par un engin de fauchage ou un camion de grumes. Le village de grosses maisons grises aux toits d’ardoises a quelque chose de pimpant malgré les bâtisses et granges abandonnées. Une pharmacie, une épicerie, une boulangerie, un point poste et une auberge très animée. Un hotel longtemps abandonné fait face à l’entrée du camping, il vient d’être repris, on en refait les crépis en effaçant la marque de son ancienne vocation. Aux fenêtres de plusieurs maisons du village et au sommet des grands sapins qui bordent le lac, des drapeaux palestiniens. 333 inscrits, 80 % de votants, union de la gauche 62 %, extrême droite 17 %, majorité présidentielle 12 %, une exception dans l’unique circonscription de la Creuse où l’extrême droite arrive en tête 33 % malgré trois autres candidats qualifiés.

Il fallait comprendre que chacun vivait sur une petite ile qui ne ressemblait pas aux autres, que tout ça ne se mélangeait pas, que l’identité se renforçait de l’exclusion de l’autre, qu’il y avait l’histoire, l’activité économique et on ne sait quoi qui résistait à l’analyse.

Eymoutiers apparaît comme une grosse ville après les hameaux et villages traversés, touristique , fleurie au bord de la Vienne. Une gare, des commerces, de la circulation, des terrasses de café un peu partout sur la place centrale et d’immenses bâtiments porteurs d’histoire. Quelque chose de citadin et bourgeois dans ce centre-ville où l’on a autrefois vendu des denrées coloniales comme l’indique une inscription quasi effacée sur un immeuble. L’épicerie bio existe depuis 8 ans, bien achalandée et ne manquant pas de clients. 1486 inscrits, 68 % de votants, Union de la gauche 52 % en tête devant deux candidats rassemblement national et majorité présidentielle 22 %, une demie exception dans l’unique circonscription de Haute-Vienne où l’union de la gauche arrive de peu en tête 37 % devant le rassemblement national 33 % et la majorité présidentielle 27 %

Les habitants votaient sans apporter la clarification; ils consommaient, profitaient, n’avaient pas de grands rêves; ils disaient vouloir le changement qui conforterait leur situation, l’améliorerait un peu et surtout qu’on les laisse tranquilles, à l’abri des bruits du monde qui ne les concernait que pour partir en vacances.

Je quitte Eymoutiers par une grande et belle route la D940 pour manger au bord de la Vézère à Treignac. On attend les touristes : des ouvriers, musique à fond, refont l’intérieur du bâtiment d’accueil des locations de pédalos et autres engins aquatiques, des plongeurs récupèrent des lignes d’eau et des bouées gonflables pour installer les zones de baignade. Des Anglais, beaucoup d’Anglais s’arrêtent, se baignent, font nager leur chien puis repartent. Je fais route vers Egletons par la D 16 petite, pentue, pleine de courbes, mais très roulante. Que les routes de Corrèze sont belles après celles de la Creuse et de la Haute-Vienne. Egletons, c’est autre chose. Au bord de l’autoroute qu’on va rejoindre, on n’en voit que les faubourgs de lotissements et de centres commerciaux : Magasin U, Auchan, Lidl. Egletons, réputé pour son enseignement en matière de bâtiments et travaux publics. 2265 inscrits, 67 % de votants, les républicains devancent de peu 35 % l’union de la gauche 35 %. , mais le rassemblement national 28 %. Il y a deux circonscriptions en Corrèze, une où l’union de la gauche est en tête, l’autre où c’est le rassemblement national.

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

5 commentaires à propos de “#anthologie #29 | De ce que l’on appelle la France profonde (de Faux-la-Montagne à Egletons)”

  1. Merci pour ce texte bien documenté. J’aime cette alternance de paragraphes avec les passages en italique qui éclairent la situation des différents lieux. Tendresse particulière pour Faux la Montagne.
    J’aime beaucoup : Il fallait comprendre que chacun vivait sur une petite ile qui ne ressemblait pas aux autres, que tout ça ne se mélangeait pas, que l’identité se renforçait de l’exclusion de l’autre, qu’il y avait l’histoire, l’activité économique et on ne sait quoi qui résistait à l’analyse.
    C’est si juste. Merci

    • Merci. c’est la 29 qui m’a permis de dissocier les paragraphes et d’en faire un texte plus lisible, au-delà des impressions de voyage (j’y étais cette semaine-là)

  2. Pareil ! C’est incroyable cette impression de déjà vu, je suis passé par là ou dans un coin tellement frère de ceux que tu évoques… Effet similaire à celui produit sur moi par l’atlas des régions naturelles.