De l’autre côté de la rue, sur une place plantée de tilleuls, on a installé le monument aux morts. Une partie de la place a été sacrifiée, bitumée, c’est maintenant une voie d’accès au chemin de ronde, les cortèges commémoratifs passent par là, édiles et anciens combattants (plus que trois) avec drapeaux. Le monument n’est qu’une sorte de phallus de pierre en érection vers le ciel où, suppose-t-on reposent les morts des guerres du XXè siècle. Il est entouré d’une grille basse et proprette, de gazon et de fleurs. Je sais que ma famille n’est représentée sur la liste gravée que par un lointain cousin de mon grand-père ; il porte un nom différent. J’aurais préféré une statue de « poilu » casqué, vêtu de la capote bleu-horizon régulièrement repeinte par un employé communal, qu’il monte la garde, appuyé sur son Lebel ou se rue à l’assaut, grenades en main ; les plus beaux représentent un enfant poing levé, criant MAUDITE SOIT LA GUERRE !, comme à Gentioux-Pigerolles sur le plateau de Millevaches, mais « pas de ça chez nous »
Inséré dans #anthologie #08 | Cagibi
Je suis assis face à mon automédon, perdu dans ses pensées, ce qui me donne le temps d’examiner le bar. Sur la cloison de gauche, des photos de grands voiliers, de trois à quatre mats, entourés, fêtés par d’innombrables bateaux de toutes sortes, aux voiles blanches, beiges, certaines noires. A droite, des marines peintes, scènes de genre, vagues écumantes, batailles navales, départs pour Terre Neuve, bénédictions. Dans un coin de cette iconostase, pas mis en valeur, sinon par le soleil couchant, une reproduction de la Vue de Delft de Johannes Vermeer. Comme un clin d’œil au petit Marcel, je m’arrête quelques instants sur le petit pan de mur jaune ; « Georges, vous avez remarqué cette affiche – Ah oui, le petit pan… comme toi, je le cherche encore… »
Inséré dans #anthologie #08 | Ma vie avec Perros
Sur la cheminée de marbre, deux candélabres à quatre bougies allumées encadrent un coffret en palissandre ouvert. Dans sa garniture de velours rouge, bien astiqué, un vistemboire d’argent, époque Louis XV reluit sous les flammes des bougies.
Inséré dans #anthologie #10 | Perles roses et sels d’or
Tableau qu’il avait dans sa tête intitulé l’Heautontimoroumenos. Regardé de face, il distinguait un personnage (doré sur bleu), bras tendu, portant un glaive tourné de gauche à droite. C’était le châtiment, la punition (timorèo). Observé collé à la cloison, le personnage au glaive semblait le retourner contre lui-même. Quand il l’avait acheté, le peintre lui avait parlé d’anamorphose, des « Ambassadeurs » d’Holbein ; il avait mis longtemps à comprendre, aujourd’hui, il aimait faire visiter sa chambre en récitant le poème de Baudelaire.
Inséré dans #anthologie #02 | 360°
J’aurais pu le laisser avec ses semblables, « parler caillou », les fossiles en ont beaucoup à raconter, d’ailleurs, quand nous les trouvons, leurs formes animalières entières ou réduites à quelques fragments nous sont immédiatement familières. Il a trouvé sa place, sur ma table ronde, ombre chevalière ? Pour l’heure, il coiffe un embryon de tas ; de livres. Embryon car je pense que demain, après-demain, le petit tas deviendra pile, puis colonne… vous connaissez. Alors je tire le premier d’entre eux : Les désemparés, de Patrice Delbourg. 53 portraits d’écrivains dont les caricatures (pas à charge) illustrent la couverture. Jamais vu de couv. de ce genre. Editions Castor Astral. Régal de lecture, découvertes de « seconds couteaux » dont je vous laisse constituer votre propre liste…
Le second s’intitule La Dodge, de William Cliff, mais de celui-là, je ne dirai que la photo de couv. : vue de face, une vieille voiture genre cubique des années 30, (la Dodge ?) ; deux types assis s’adossent à la calandre, le troisième chevauche l’aile avant droite. Costumes, cravates, la vingtaine, un arbre semble jaillir du crâne de l’un d’entre eux.
Inséré dans #anthologie #03 | Fossile