#anthologie #28 | œuvres connues et anonymes


Sur le chemin du retour

Le seul que j’ai gardé, reproduction de la danseuse de Degas, a vécu, s’est froissé, déchiré au coin, là où le scotch s’est arraché, plein de poussière le poster survit aux autres La photo de la statuette en couleur, un genre de fétichisme qu’elle avait, elle disait que la petite danseuse lui avait porté bonheur, elle y croyait, la statue au Louvre, cette danseuse de cire, son vrai tutu, sa posture de fillette sage, mains dans le dos, yeux mi clos, l’air vague, l’air vaguement absente Il y a peu j’ai vu un cliché de Marilyn Monroe devant la statuette, ça m’a fait bizarre,ça m’a fait pensé à elle.

La tache (2)
Le chat de l’Alice de Disney, son air dément, absurde, qui ne répond pas aux questions, détourne les propos, nous perd dans ses disparitions morcelées, ses dispersions. Ce chat, son sourire étrange que nous cherchions parfois dans l’or d’un croissant de lune, à la nuit pleine dans mon jardin ou dans le tien. Tu disais que c’était le meilleur Disney. Moi je n’avais pas lu Lewis Caroll mais je disais que c’était l’histoire plus que le dessin animé. En fait, les deux, confirmait-elle, de son sourire énigmatique, pas moins que celui du chat.

Une vie
Il y a cette photographie ancienne, ce noir et blanc en tenue militaire, mais photographie privée. On ne voit pas le fond, on distingue mal, on imagine. On fantasme le paysage désertique, les figues de barbarie, les cactées ou la ville, Alger la blanche, ou quelle autre ville, quel autre village d’Algérie. Derrière le sourire de façade, il y a le hors-champ de la guerre, le son du muezzin, les corvées d’eau, les nourritures échangées, les trocs de cigarettes, et aussi les missions de patrouillage, les embuscades. Tout ce que la photographie ne montre pas.

Sur le chemin du retour
Vue quand j’avais 14 ans, l’adaptation par John Carpenter du roman de Stephen King m’avait secouée comme si j’avais été moi-même au volant de la terrible Plymouth Fury rouge sang. L’impression de puissance, la possibilité de la vitesse, l’interprétation de l’acteur, totale métamorphose du personnage principal., sous influence de la voiture psychopathe. Je me vois plus animale vif ou oiseau de haute altitude, mais quand même, cette voiture…

Nuit blanche
Dans le dortoir, il y a de vieilles photos de Ljubljana et une toile représentant l’un des dragons du pont, surplombant, ailes déployées, un air vaguement menaçant. Une huile non signée, œuvre anonyme réalisée peut-être par un ami ou un membre de la famille qui nous accueille, le trait est un peu scolaire, peu de style, ça bave par endroit même si ça se veut appliqué. Bref une croûte. Dans des tons bleus-gris, teintes sombres, le dragon grimace, semble une gargouille posée là, sur le mur. Quelle idée de laisser ça à l’endroit où dorment des ados, même si probablement ils en ont vu d’autres.

Pas fait exprès mais deux paragraphes renvoyant au même texte

A propos de Perle Vallens

Au cœur d’une Provence d’adoption, Perle Vallens écrit et photographie. Ecrire c’est explorer l’intime et le monde, porter sa voix pour toucher. Publie récits, nouvelles et poésie en revues littéraires et ouvrages collectifs. Lauréate du Prix de la Nouvelle Erotique 2021 (au diable vauvert) et autrice d'un livre de photographie sur l'enfance, Que jeunesse se passe (éd J.Flament), d'un recueil de prose poétique, ceux qui m'aiment (Tarmac), d'un recueil de nouvelles, Faims (Christophe Chomant) et d'un récit poétique et choral, peggy m. aux éditions la place. Touche à tout, pratique encore le caviardage, le cut up (image et/ou son), met en voix (sur soundcloud Perle Vallens ou podcasts poétiques), crée des vidéo-poèmes et montages photo-vidéo (chaîne youtube Perle Vallens)...

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