Extrait #anthologie #25 | Une odeur peut en cacher une autre
16 juillet carnet journalier été 2024/odeurs et plus encore / Jour de marché
Etal de S.: fils de maraicher/collégien/pas réveillé/compter la monnaie c’est compliqué/odeur de l’insouciance pour l’argent/un kg de haricots facile à peser/sonnerie de son téléphone portable à côté de la balance/libertango d’Astor Piazzolla/mon regard étonné/ « j’apprends le bandonéon »/ je n’ose pas lui parler de Ballade pour un fou/ la jeunesse est assez perdue comme ça/ effluves des deux bouquets de fleurs, vite étalés, vite achetés/Noter ces paroles et voir plus tard quoi en faire : ….Quand soudain, de derrière un arbre, j’apparais…Un étrange cocktail d’avant dernier trimardeur et de premier clandestin en route pour Vénus : le melon sur la tête, les rayures de la chemise peintes sur la peau, et dans chaque main un drapeau de taxi indiquant que je suis libre/Tu te moques !/…/ Aime moi ainsi fêlé, fêlé, fêlé…Abrite les amours, nous allons essayer/La magie totalement folle de revivre/Viens, vole ! Viens !*
*https://www.youtube.com/watch?v=XLVJxxq0ncU&t=8s ( paroles d’Horacio Ferrer, traduction Cécile Guivarch)
Extrait #anthologie #21 | Complément d’enquête
Marque page
En vidant la maison après sa mort, on a retrouvé des centaines de photos en papier glacé, couleur et aussi noir et blanc de son passé, dépassé, qu’elle glissait dans les livres de sa bibliothèque emplie de romans. Manière peut-être de les garder vivantes, à l’abri, entre des pages complices. Manière de faire resurgir la mémoire quand il lui prenait l’envie de s’embarquer dans une histoire. Manière de tomber sur des traces de vies d’avant devenues marque pages. Sur le lit, deux oreillers, l’un, vide, encore marqué du poids de sa tête, endormie, avec le corps parti. Sur l’autre, un livre ouvert, à l’envers. Sur une double page, la photo d’une maison délabrée, deux volets fermés, au milieu d’eux une porte métallique noire avec cette inscription à la peinture blanche « NE CASSEZ PAS CETTE MAISON » et de chaque côté les deux silhouettes blanches de Jérôme Mesnager qui empêcheraient la façade de s’effondrer. En marge de l’image couleur sépia une légende « Paris XX Rue Gasnier-Guy ». Une photo dans un livre comme un marque page, un message à lui tout seul.
Extrait #anthologie #6 | Vamos a la playa
Soudain, le ciel s’obscurcira, des nuages énigmatiques viendront s’amasser sur l’horizon, annonçant les coups de tonnerre, puis la pluie surgira avec fracas, fracassante oui ! comme les trois premières minutes du Mandarin merveilleux de Bela Bartok. Ils attraperont serviettes, raquettes, et enfants sous le bras, et s’échapperont de là, même si devant eux il pleut aussi.
Je resterai, seule, assise sur un rocher étincelant de quartz et de grenats mariés depuis avant l’éternité, merveilleux bijoux pour le seul et unique plaisir des yeux, je regarderai la mer, que je verrai se déchainer, joyeuse. Le bal avec la valse des hautes vagues pourra commencer. J’attendrai, seule, la nuit. Elle arrivera, seule, et délicatement se posera sur les châteaux de sable, piétinés. Alors je danserai, je danserai dans le vent, enlacée, jusqu’au petit matin, jusqu’à l’épuisement, la lune sourira, et, après la tempête, mon corps se déposera, là, ivre de ses tourbillons, et, tranquillement attendra.
Extrait #Anthologie#1|Dura lex sed lex
Entrer dans l’arène. Je ne vais pas trembler devant/Ce pantin, ce minus/Je vais l’attraper, lui et son chapeau/Les faire tourner comme un soleil*. Le spectacle peut commencer. Attention, mesdames et messieurs/C’est important, on va commencer/C’est toujours la même histoire depuis la nuit des temps/L’histoire de la vie et de la mort**. Le parquet qui craque, les boiseries polies, les dorures qui éclaboussent le plafond, l’estrade au fond qui arbore des fauteuils de maître, les bancs élimés pour les plaignants. Viens voir les comédiens/Voir les musiciens/Voir les magiciens/Qui arrivent***Des avocats déjà là, assis, debout, énervés ou encore endormis. Soudain, plus un bruit, se lever, tous ensemble à l’arrivée du Tribunal par une porte dérobée. Il faut se lever, lever, lever/pour changer tout ça/On doit se lever, lever, lever/pour changer tout ça****. Un président, des assesseurs, et derrière eux le greffier avec sa pile de dossiers prêts à tomber. *****https://www.youtube.com/watch?v=_o9PUU1Yx9w
*La corrida Francis Cabrel ; **Attention Mesdames et messieurs, Michel Fugain ; ***Les comédiens, Charles Aznavour ; ****Il faut se lever, Tiken Jah Fakoly, ***** Tandem – Le Jugement (feat. Diam’s, Kery James, Faf la Rage, Lino, Kazkami, Tunisiano)
Extrait #Anthologie#4 |T’habites où toi?
3.Qu’ils soient petits ou grands/Ils voient partout la guerre/Aux quatre coins de la terre/Sans pouvoir rien y faire/Des femmes et des enfants/Qui vivent dans un enfer/Et pleurent sur des tombes/Pour des frères et des pères/Qui tombent sous les bombes (extrait 2024 adaptation Le déserteur de Boris Vian, février 1954). A vous Boris Vian, cette traduction en esperanto de la dernière strophe de votre appel à la paix, qui a été censuré, oublié, nié, pas entendu, surtout pas écouté, mis aux oubliettes, au fond du puits de l’oubli. Soixante-dix ans plus tard on en est toujours au même point, mortel. « Vi uzu vian vivon!/Vi uzu ĝin en paco!/Ne estas vi pajaco!/Vi estas frato, hom’! »/Al tiu kruda mondo/plenplena da perforto,/mizero, sango, morto/ni diru kune: Ne!Ni kriu kune: Ne!
10ter. une maison avec trois chambres, une pour toi, une pour moi, une pour l’amour. Parce que l’amour c’est sacré. Comme une salle de bain pour se laver, une cuisine pour cuisiner, une salle à manger pour manger, il nous faut une chambre pour nous aimer, toi et moi. Ne rien y faire d’autre. Je sais c’est indécent, c’est beaucoup demander, mais c’est ce qu’il nous faut. Loin de tout ou près de rien, on s’en fout. L’important n’est pas au dehors, mais au dedans de cette pièce qui respirera, transpirera, sera chaude ou froide, claire ou dans le noir, au ryhtme de nos élans, à nous y rendre, dedans. « Oui Fernando, je sais que toi aussi tu la veux cette chambre, à nous deux. Mais on habite pour le moment à cinq mille kilomètres de distance… allez raccroche, non toi, ne fais pas l’enfant, raccroche, à demain, même heure. »