L’idéal serait une pièce blanche avec une grande fenêtre, un bureau en bois de seconde (au minimum) main, une chaise raide, un tableau — particulièrement si la pièce est située ville ; une trouée dans le mur comme savait les pratiquer Théodore Rousseau serait alors presque indispensable —, une plante — peut-être un cactus —, une bibliothèque de travail, un futon et un rocking-chair pas trop imposant.
Je suis dans cette maison extraordinaire, sur le canapé du salon. Tout ici m’est encore inconnu et l’accumulation des œuvres ne va pas aider à lever le voile. Il y a notamment cet homme crayeux et gras, aux yeux jaunes, monté sur une espèce de chien globuleux, qui, j’en suis sûr, connaît les secrets des œuvres guatémaliennes qui ont transité par ici. Le soleil use le tapis et y découpe les ombres de statues. Les terres cuites retrouvent, un peu chaque jour, la chaleur qui leur a donné, dans des passés et des endroits que j’imagine lointains, leur forme définitive. Dans une heure, il est sûr que ces statues ne me paraîtront pas si blanches. D’autres, en bronze, restent à l’ombre. Le soleil progresse sur le tapis. La tranche d’un livre brille maintenant ; il s’agira d’aller y voir. Je vis dans un trésor ici. Dans le trésor qu’on a en tête lorsqu’on imagine un trésor : les pièces dorées, les rubis, les émeraudes, les saphirs, les colliers de perles ; ça dégueule du coffre, ça étincelle en étoile. Déjà, les argiles s’ocrent, se grisent. L’orange des fauteuils se ternit. Je fatigue. Le soleil est à la lisière du tapis.
La Silicon Valley s’étend au cœur de la Californie comme une mosaïque de béton, de verre et de verdure, chaque détail peignant un portrait unique de ce centre névralgique de l’innovation technologique. Les campus des géants de la technologie, tels que Google et Apple, s’étendent comme des villes en miniature, leurs bâtiments aux façades de verre réfléchissant le ciel bleu clair. Les structures modernes, souvent conçues par des architectes de renom, présentent des lignes épurées, des courbes audacieuses et des matériaux comme l’acier inoxydable et le béton poli. Les vastes espaces verts entre les bâtiments, entretenus avec soin, accueillent des sculptures contemporaines et des installations artistiques — plusieurs Rodin en bronze dans un jardin de l’université de Stanford, tirages coulés tardivement dans les moules d’origines et gardés par des rangs de palmiers —, contrastant avec l’agencement high-tech des lieux. Les employés, en tenue décontractée mais soignée, arpentent les allées des campus, souvent les yeux rivés sur leurs smartphones ou leurs ordinateurs portables. Les hommes en chemises à carreaux et les femmes en pantalons chinos discutent de code et de stratégies, leurs conversations souvent interrompues par le vrombissement des trottinettes électriques et des vélos partagés qui traversent les sentiers pavés. Les espaces de travail sont conçus pour favoriser la créativité : bureaux ouverts, zones de détente avec des canapés colorés, et murs recouverts de tableaux blancs pour griffonner idées et projets. Les cafés internes, avec leurs comptoirs de bois et leurs machines à café sophistiquées, sont des lieux de rencontre, où les discussions se déroulent autour de cafés expresso et de pâtisseries fraîches. En dehors des campus, la vallée est parsemée de maisons modernes et d’immeubles résidentiels, souvent dotés de piscines et de jardins paysagers. Les quartiers résidentiels, aux rues bordées de palmiers et de bougainvilliers, dégagent une atmosphère de tranquillité contrastant avec l’effervescence des lieux de travail. Les voitures électriques et hybrides, en particulier les Tesla, circulent le long des routes impeccables, tandis que les trottoirs sont souvent occupés par des joggeurs ou des familles promenant leurs chiens. Les animaux, bien que moins visibles dans les environnements urbains, trouvent refuge dans les parcs locaux et les réserves naturelles qui entourent la vallée. Les écureuils, familiers des zones résidentielles, se déplacent agilement entre les arbres, tandis que les oiseaux, tels que les geais et les moineaux, créent un ballet aérien constant. Les zones naturelles, parfois préservées autour des campus, offrent un habitat pour les cerfs et les coyotes, qui s’aventurent discrètement hors des sentiers battus. Les startups, souvent logées dans de petits bureaux partagés ou dans des incubateurs d’entreprises, ajoutent une dimension vivante et dynamique au paysage. Les bâtiments de ces jeunes entreprises, généralement moins sophistiqués, sont caractérisés par des enseignes improvisées et des décorations de bureau éclectiques. Les employés de ces startups, plus jeunes en moyenne, portent souvent des vêtements encore plus décontractés, avec des T-shirts aux slogans amusants et des sneakers colorés. Les espaces publics, tels que les centres commerciaux et les zones de loisirs, ajoutent une touche de diversité à la Silicon Valley. Les centres commerciaux modernes présentent des boutiques haut de gamme, des restaurants raffinés et des espaces de détente, souvent conçus pour attirer les professionnels en pause ou les familles du week-end. Les parcs, eux, sont animés par des événements communautaires, des marchés fermiers et des festivals, apportant une touche de couleur et de vie à ce centre technologique. La Silicon Valley, avec ses nuances de technologie, de nature et de vie quotidienne, se déploie comme un tableau complexe où chaque élément, du bâtiment au passant, joue un rôle dans la grande symphonie de l’innovation et de la modernité.
sortie du cinéma dans cette nuit électrique des villes acier-verre-béton Les dalles au sol sont propres, mais pas ici On a tracé, autrefois, son prénom ou des signes plus ésotériques encore dans la matière encore molle Je passai une ruelle où des hommes et des femmes étaient courbés à angle droit, contractions musculaires lues si terriblement douloureuses qu’elles obligent à la prise d’une autre dose lorsque la chimie se dissipe Je remarquai, avec au ventre la honte de l’avoir fait, des boules de vêtements au pied des murs, de la peau abimée, des billes en verre poli, des mouvements de fauves ; des futurs cadavres, juste posés là ; des vomissements, fesses à l’air La rue raidissait à mesure que je m’extirpais du caniveau Les pentes de San Francisco, ce n’est pas le trolley qui les marque, mais l’écoulement vers le fond de la vallée Les pupuserías se transmogriffent brusquement en épiceries biologiques, ce sont les distances américaines qui diluent l’appréciation Bloc après bloc, comme un enfant, je marchai un pas par carré Où dorment les voitures qui roulent toutes seules Attendant que le pictogramme m’invite à continuer, je vis des travailleurs se préparer — place conducteur — pour le sommeil La nuit, le colibri du jardin entre dans une torpeur hypothermique afin de conserver son énergie Je remontai Rhode Island, passant les pick-ups garés à la perpendiculaire Partout, des plans de films ; il n’y aurait qu’à poser la caméra Est-ce le cinéma qui a influencé l’architecture ou l’inverse En haut de la colline, c’était encore autre chose, comme si l’on avait tiré un tissu vert et incrusté un fond d’écran Apple Il est rare que je trouve des choses construites aujourd’hui belles à en couper le souffle Les racines des eucalyptus poussaient le bêton vers le ciel Au niveau du collet des immeubles, l’humus de la misère Dans la maison, moquette au sol, je bus un verre d’eau qu’il est dur de remplir tant ici les pentes sont raides Mon reflet dans la vitre Le colibri à quelques pas
C’était hier, dans les collines de Los Angeles. Mac m’a accueilli en hoodie rouge Nintendo et short vert Snoopy : « Sacrebleu ! Here you are ! Mi casa es tu casa. » Ça sentait la cigarette, bien sûr. Il m’a offert un café, fier de sa machine capable de servir le même jus que dans les diners. Kiera était là, Pickles aussi, mais malade.
J’ai aperçu la Cardboard Queen pendue à un mur. Mac m’a montré quelques vinyles, —dont un exemplaire de Neo geo par Ryūichi Sakamoto, envoyé par un fan et accompagné d’un mot : « Heard you like the sak » — , sa collection de faux hamburgers, celle de ses montres, ses vieux jeux vidéo, son Jar Jar Sith. Il a retrouvé ses pédales d’effets pendant que nous faisions le tour. Son rideau de douche est à l’effigie de Joe.
On est passé par le jardin plein de bordel pour atteindre le studio. Le piano est de location, pas sûr que les loueurs le récupère un jour. Mac a enfilé un masque de chat glabre, s’est mis à jouer le thème d’Aeris et l’après-midi était passée.