#anthologie # 27 Trois fois une première page

elle arpente la plaine avec un chien n’étant pas le sien elle le précise à qui ne le demande pas mais elle dit toujours aux personnes qu’elle rencontre la félicitant pour ce beau chien ce n’est pas mon chien je ne fais que le promener et j’en profite pour aller voir mon arbre que je photographie journellement et de manière rémanente depuis l’un des confinements je ne sais plus lequel Effectivement lors du premier confinement elle n’avait pas photographier le platane puisqu’il faut pour cela tourner à gauche aller au bout du chemin traverser la départementale avancer encore quelques mètres ou quelques centaines de mètres elle n’a pas mesurer mais de la mi-mars à début juin et même jusqu’aux premières griottes elle avait photographier la même branche du griottier Là elle se promène avec le chien

une fois le portail franchi tourné à gauche le chien tire sur la laisse Il sait qu’au bout du chemin il y a un parc avec des poules et un petit coq nain A l’approche de l’enclos elle court derrière le chien tenu en laisse sachant que sous la boîte à lettres il va se mettre à l’arrêt C’est un chien de chasse n’allant pas à la chasse mais dont l’instinct lui dicte les postures Après avoir traversé la départementale il se calme poursuivant son chemin jusqu’au prochain arrêt sous le platane pour la photographie du jour La promenade est invariablement la même

elle se demande si elle irait journellement dans la plaine s’il n’y avait pas le chien à promener La plaine elle a commencé à l’aimer quand elle est devenue son terrain de jeu pendant le confinement Il n’y avait pas encore le chien mais elle pouvait arguer faire le tour de ses parcelles pour aller à pied au-delà du kilomètre et de l’heure autorisés c’est du moins ce qu’elle écrivait sur son autorisation de sortie qu’elle mit plusieurs jours à signer parce qu’au début dans une forme de déni elle n’avait pas accepté que maintenant c’était elle la fermière qu’elle le veuille ou non Finalement le confinement l’a libérée de son emprisonnement mais pas de sa solitude

#anthologie #06 | Seule à une heure sans heure

Seule à une heure sans heure

je lis à la page 259 du livre que je suis en train de lire1 « Elle est seule, seule, seule, à une heure sans heure, le ciel blanchi qui l’entoure pourrait être n’importe quand ».  j’emprunte le titre seule à une heure sans heure et j’écris : seule dans l’étendue cadastrale de la plaine au détour d’un bornage d’un fossé d’herbe à moitié fauchée – que fait l’autre moitié de ce temps ? – d’un fil télégraphique s’offrant pour pendaison seule à deux avec le chien seule à trois avec le chien et sous l’ombre d’un arbre le saluant au passage faute de saluer âme qui vive seule dans la coupelle de plomb fondu faisant trembler le ciel dans la chaleur estivale seule sur la terre ferme et pourtant souterrainement ça grouille là derrière le mur épais du cimetière surplombant la route les pensées sauvages poussant leur chansonnette de pétales jaunes dans les interstices des pierres d’assise il suffit d’écouter le gargouillis de l’eau ruisselant la nuit jaillissant du bec de la fontaine tout qui s’ébruite dans la solitude des champs nocturnes

1 Phoebe Hadjimarkos Clarke, Aliène, Editions du sous-sol, 2024

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

Un commentaire à propos de “#anthologie # 27 Trois fois une première page”

  1. (oui, tiens, d’ailleurs à ce propos il y a pas mal de gens qui se sont offert des animaux comme on dit de compagnie en prévision des prochaines épidémies et des règles – forcément semblables, hein, évidemment – qui seront ordonnées alors) (ils (et elles) acquièrent par la même occasion des laisses interminables de couleurs phosphorescentes) (à Noël, ils (et probablement elles aussi) leur offrent un collier clignotant) on les voit sortir le matin ou le soir – ils sont en bermudas (elles aussi) et en été (zeugme) parfois tatoués bien coiffés maquillés – ici les Buttes Chaumont) (ça va te faire pas loin de 1500 clichés ça) il y a là quelque chose qui émeut profondément

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