#anthologie #27 | seuils

Toujours cette question de l’entrée. Beaucoup moins la question de la sortie. Quand elle sort, elle ne se pose pas de question, elle sort, et puis elle est dehors de la pièce. Elle préfère la fuite. L’entrée, c’est la rencontre, souvent fortuite. Elle ne sait pas qui elle va rencontrer en entrant dans la pièce. C’est l’ouverture vers l’inconnu, un inconnu familier, certes, mais un inconnu tout de même. Et entrer dans l’inconnu, elle n’est pas sûre d’être en mesure de l’assumer tous les jours. Alors parfois, elle attend à la porte, que quelqu’un entre à sa place, ou sorte, pour lui donner un avant goût de ce qui va venir, qu’elle puisse se préparer à son entrée à elle dans la pièce. Elle aime les portes vitrées, ou les endroits où il n’y a pas de porte. Dans ce bâtiment, il y a des portes et des embrasures de porte. Aujourd’hui, même l’embrasure de porte lui semble difficile à franchir, probablement parce que de l’embrasure on ne voit pas l’entièreté de la pièce qui fait comme un L, alors on peut être surpris même en ayant pris le temps de regarder la pièce depuis l’embrasure de la porte. De là où elle est, elle voit tout de même le canapé où il est assis. (suite #16)

L’histoire de ma grand-mère se compose de moments dispersés parce que c’est ainsi qu’on me les a racontés. Et encore, on ne me les a pas racontés. Pas vraiment. J’ai entendu des bribes et j’ai essayé d’en faire quelque chose dans ma tête et comme dans ma tête je n’arrivais pas à en faire grand-chose, j’ai entrepris ce qu’il y a à lire là, de mettre en mots les bribes que j’avais perçus, des bribes qui ne vont pas bien ensemble, qui n’ont pas vraiment d’ordre chronologique, ou vague, parce que comme on ne m’a pas raconté ces éléments, je n’ai pas les moyens de les replacer dans une vraie chronologie faite de date. A dire vrai, même ma grand-mère ne veut pas raconter cette histoire et quand quelqu’un d’autre raconte, elle dit que c’est faux. Comme elle pleure en disant cela, j’ai tendance à croire que c’est vrai, que ce qu’on raconte est vrai et qu’elle voudrait de toutes ses forces que ce soit faux. (suite #10)

La promenade quotidienne, pour des raisons de météo pluvieuse, semble être annulée aujourd’hui. Il faut alors parcourir le même chemin par la pensée et faire marcher la mémoire à défaut des jambes. On exerce alors la capacité de contemplation intérieure, instrument utile à l’âme, pour garder un esprit sain dans un corps sain. Parcourir le bois de Vincennes par la pensée peut permettre de faire passer les cent pas dans l’appartement. Le tout est de se donner une atmosphère propice à l’exercice et à la détente, même si le tout est virtuel et que c’est d’un mur blanc à un autre qu’on se déplace en réalité. Habitude ou nécessité, la source du geste n’est pas très clair, néanmoins c’est dès le premier pas qu’on sort de la grille et qu’on traverse la route, pour se retrouver les deux pieds sur le chemin de sable réservé aux piétons et en priorité aux chevaux. (suite #13)

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